POLITIQUE

Affaire Bongo : Maître Sur accuse les autorités gabonaises de transformer la justice en théâtre politique

Libreville, 13 juillet 2025 – Dans un entretien exclusif accordé à Sibikan Media, Maître Pierre-Olivier Sur, avocat de la famille Bongo et ancien bâtonnier du barreau de Paris, a violemment dénoncé ce qu’il considère comme une instrumentalisation manifeste de la justice gabonaise par les nouvelles autorités issues de la transition post-coup d’État du 30 août 2023. À ses yeux, la procédure judiciaire engagée contre ses clients, Sylvia Bongo Ondimba et son fils Noureddin, relève davantage du spectacle politique que du droit.

« On ne fait pas de la justice, on fait du cinéma », tranche l’avocat, dans une déclaration qui mêle ironie mordante et inquiétude institutionnelle.

Une mise en scène au sommet de l’État ?

Le principal reproche de Maître Sur porte sur la nature des procédures engagées contre ses clients, qu’il qualifie de “justice-spectacle”, orchestrée depuis les plus hautes sphères du pouvoir militaire. Il cite notamment l’exposition publique de lingots d’or, de valises d’argent et de billets dans la cour du palais présidentiel, quelques jours après le renversement du régime d’Ali Bongo.

« C’était une scène de théâtre. Je ne sais même pas si c’était du vrai argent », ironise-t-il, tout en accusant les autorités de scénariser la lutte contre la corruption à des fins de légitimation politique.

Une magistrature “à genoux” face aux militaires ?

Mais c’est sans doute sa charge contre l’institution judiciaire gabonaise qui provoque le plus de remous. L’avocat évoque une vidéo d’interrogatoire, dans laquelle une juge d’instruction aurait admis agir sous les ordres des militaires. Selon lui, cette vidéo serait la preuve irréfutable d’une justice sous tutelle, instrumentalisée, et totalement décrédibilisée.

« Elle dit : je me mets à genoux devant vous… Voilà où en est la justice aujourd’hui au Gabon : à genoux », affirme-t-il avec gravité.

Allégations de torture : des accusations explosives

Dans un passage glaçant de son intervention, Maître Sur affirme que Noureddin Bongo aurait été victime de violences physiques, de sévices sexuels, et de chocs électriques, en présence de sa mère, également détenue. Des accusations d’une extrême gravité, qui, si elles sont avérées, mettent en cause la responsabilité directe des services de sécurité gabonais, et susciteraient une onde de choc bien au-delà des frontières nationales.

L’avocat décrit des conditions de détention “inhumaines” et “dégradantes” dans un sous-sol du palais présidentiel, sans accès à l’eau potable, aux soins médicaux, ni à une assistance juridique conforme aux standards internationaux.

Une justice décriée, un pouvoir accusé de dérive autoritaire

Maître Sur va plus loin en mettant en cause le procureur général, qu’il accuse d’une méconnaissance flagrante des fondamentaux juridiques : « La liberté n’est jamais provisoire. Ce qui est provisoire, c’est la détention », corrige-t-il, en pointant ce qu’il considère comme une erreur conceptuelle révélatrice d’un dysfonctionnement systémique.

Au-delà de la technique juridique, l’avocat dénonce un usage politique de la justice, une “stratégie du bouc émissaire” visant à construire la légitimité des nouvelles autorités sur la diabolisation des anciens dirigeants plutôt que sur un véritable projet de réforme ou de développement.

« Aujourd’hui, il y a une personne au-dessus des lois : c’est celui qui dirige le Gabon », conclut-il, dans une critique directe du président de transition Brice Clotaire Oligui Nguema.


Analyse critique : entre dénonciation fondée et stratégie de défense

Si les propos de Maître Sur sont percutants et soulèvent des questions légitimes sur l’indépendance de la justice gabonaise, ils s’inscrivent aussi dans le cadre d’une stratégie de défense classique, visant à délégitimer la procédure contre ses clients. La virulence de ses accusations, l’absence de preuves formelles présentées à ce jour (notamment sur les tortures alléguées), et le contexte politique tendu invitent à la prudence.

En revanche, l’affaire relance avec acuité le débat sur l’état de droit au Gabon, l’utilisation politique des procédures judiciaires, et le risque de glissement autoritaire dans un pays qui se revendique en transition démocratique.

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