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Sénat : Une loi liberticide sous couvert de protection des maires ?

Le jeudi 20 février 2025, le Sénat a adopté une proposition de loi visant à interdire les mariages impliquant un étranger en situation irrégulière. Porté par Stéphane Demilly, sénateur de la Somme, ce texte prétend protéger les maires de « situations ubuesques » et empêcher les unions supposément frauduleuses. En réalité, il s’agit d’une remise en cause directe d’un droit fondamental, camouflée sous des arguments sécuritaires et administratifs.

Un prétexte basé sur un cas isolé

Le point de départ de cette proposition de loi repose sur une affaire ultra-médiatisée, celle du maire d’Hautmont (Nord), qui avait refusé de marier un homme sous le coup d’une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF). Ce dernier, ancien président d’une mosquée fermée pour radicalisme, a servi d’exemple pour justifier une restriction généralisée du droit au mariage.

Ce cas exceptionnel est instrumentalisé pour justifier une réforme qui impactera des milliers de personnes bien loin des situations radicales évoquées. La confusion entretenue entre immigration, islamisme et fraude au mariage sert un agenda politique opportuniste, sans réelle prise en compte des enjeux juridiques et humains.

Un texte soutenu par l’extrême droite et le gouvernement

Derrière cette initiative, on retrouve un soutien affiché du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, du Garde des Sceaux Gérald Darmanin, et de David Lisnard, président de l’AMF. Ce dernier, connu pour ses positions dures sur l’immigration, trouve ici un nouvel angle d’attaque pour restreindre davantage les droits des étrangers en France.

Ce texte n’est pas un simple « ajustement » du droit matrimonial, mais un durcissement législatif inspiré par les mesures prises au Danemark et en Suisse, deux pays qui ont adopté des restrictions similaires en 2002 et 2011. Le gouvernement français suit donc la tendance d’une Europe de plus en plus fermée, au détriment des principes de liberté individuelle.

Un déni du droit au mariage

L’article 12 de la Convention européenne des Droits de l’Homme garantit pourtant le droit fondamental au mariage, sans condition de nationalité ni de statut administratif. Or, en instaurant une barrière juridique fondée sur le titre de séjour, cette loi remet directement en cause ce droit inaliénable.

En 2003, le Conseil constitutionnel avait déjà censuré une mesure similaire, arguant qu’elle constituait une atteinte disproportionnée aux libertés fondamentales. Vingt ans plus tard, sous prétexte de protéger les maires, la droite sénatoriale tente de faire passer en force une mesure liberticide.

« Le mariage est un droit, et non un passe-droit », martèle Stéphane Demilly.
Mais à écouter ce discours, qui décide désormais qui a droit ou non au mariage ?

Un texte qui favorise l’arbitraire et la stigmatisation

Le plus inquiétant dans cette loi, c’est l’absence de clarté sur les critères d’application. Qui vérifiera la validité du séjour d’un futur époux ? Les officiers d’état civil ? La police ? Le risque de dérives est immense.

En pratique, cette loi renforce la suspicion généralisée envers les étrangers et place les maires dans une position de police administrative, alors que leur rôle est d’enregistrer des unions, non de trier les bons et les mauvais candidats au mariage.

De plus, cette mesure introduit une inégalité de traitement flagrante :

  • Un Français peut épouser un étranger avec un titre de séjour valide.
  • Mais si cet étranger est en situation irrégulière, le mariage devient interdit.

Cela crée un statut matrimonial à deux vitesses, contraire aux principes d’égalité devant la loi.

Une stratégie politique avant tout

Il ne faut pas se méprendre sur la véritable finalité de cette proposition de loi. Il s’agit avant tout d’un signal politique destiné à flatter un électorat conservateur et identitaire. En période pré-électorale, la droite et l’extrême droite rivalisent de propositions pour restreindre les droits des étrangers, au lieu d’aborder des réformes structurelles sur l’intégration ou l’accès aux papiers.

Ce texte doit encore être examiné par l’Assemblée nationale. Mais une chose est certaine : il marque une nouvelle étape dans le recul des libertés en France. Derrière des termes comme « bon sens » et « protection des maires », c’est une attaque déguisée contre le droit fondamental au mariage qui est en marche.

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