
Libreville, 10 mars 2025 – À l’approche de l’élection présidentielle, le rejet de la candidature de Jean-Rémy Yama suscite de vives réactions. En cause, la non-conformité de son dossier, et plus précisément l’utilisation d’une déclaration sur l’honneur pour attester de la nationalité gabonaise de ses parents, nés en 1920. Face à une obligation jugée disproportionnée, ce choix défensif de Yama interroge autant qu’il divise. Juristes, politologues et citoyens se penchent désormais sur la légitimité et les implications de cette démarche.
Un acte sur l’honneur pour pallier une exigence jugée excessive
La Constitution de 2024 impose aux candidats de fournir les actes de naissance de leurs ascendants pour attester de leur nationalité gabonaise d’origine. Dans le cas de Jean-Rémy Yama, cette exigence s’est avérée problématique : son père, né en 1920, appartient à une génération où les documents d’état-civil étaient rares et souvent perdus. Face à cette situation, Yama a déposé une déclaration sur l’honneur attestant de la nationalité gabonaise de ses parents.
Cependant, la Commission nationale d’organisation des élections et du référendum (CNOER) a rejeté ce document, estimant qu’il ne répondait pas aux exigences légales. Un rejet qui a aussitôt suscité des critiques, notamment de la part d’observateurs qui dénoncent un excès de légalisme pouvant masquer des motivations politiques.
L’avis des juristes : légalisme ou obstruction ?
Interrogés sur la question, des juristes estiment que le choix de Jean-Rémy Yama est défendable. « Le Code civil gabonais prévoit le recours aux jugements supplétifs en cas d’absence de documents d’état-civil. À défaut, une déclaration sur l’honneur aurait dû être examinée avec plus de souplesse, d’autant plus si elle était accompagnée de témoignages concordants », affirme l’un d’eux.
Un autre juriste se montre plus nuancé. « La Constitution est claire : il faut des actes d’état-civil. Toutefois, on pourrait s’interroger sur l’absence d’alternatives proposées par la CNOER, comme l’acceptation de jugements supplétifs. Le refus catégorique de la déclaration sur l’honneur, sans explication précise, peut donner l’impression d’un verrouillage administratif », explique-t-il.
Une exigence en décalage avec les réalités administratives ?
L’imposition de fournir des documents d’état-civil datant d’un siècle pose un problème pratique évident. De nombreux Gabonais de cette génération ne disposent pas de tels documents en raison des lacunes administratives de l’époque coloniale. Pour certains analystes politiques, « cette exigence semble déconnectée de la réalité. Il aurait été plus judicieux de prévoir des alternatives comme les jugements supplétifs ou des attestations de notabilité. En l’état, cela ressemble davantage à un filtre qu’à une garantie de transparence. »
À l’inverse, les partisans d’une application stricte de la loi soutiennent que « l’objectif est d’éviter toute ambiguïté sur la nationalité des candidats, surtout après les polémiques des précédents scrutins. Assouplir cette règle créerait un précédent risqué. »
Le recours devant la Cour constitutionnelle : un test pour la crédibilité du scrutin
Jean-Rémy Yama a annoncé son intention de contester cette décision devant la Cour constitutionnelle. Ce recours pourrait bien être l’occasion pour l’institution de prouver son indépendance, en tranchant de manière impartiale sur la validité des documents présentés. Mais au-delà de ce cas particulier, c’est bien la crédibilité de l’ensemble du processus électoral qui est en jeu.
En attendant, les Gabonais restent dans l’expectative, scrutant chaque développement avec une attention accrue. Car si cette élection se veut le symbole d’un renouveau démocratique, le traitement du dossier Yama pourrait bien devenir l’épreuve de vérité pour la Transition.