Édito : la jeunesse politique sacrifiée sur l’autel du spectacle électoral

Par Moukala Kombi Ernaud Richy, Doctorant en Géopolitique à l’Université de Poitiers
L’élection présidentielle de 2025 approche, et une fois de plus, la jeunesse gabonaise est convoquée pour jouer son rôle habituel : applaudir, chanter, danser et faire nombre dans les meetings politiques. Des bus pleins à craquer, des tee-shirts distribués à la hâte, quelques billets glissés discrètement dans les mains, et voilà la scène électorale animée par une foule enthousiaste. Mais derrière cette mascarade se cache une réalité amère : les jeunes ne sont là que pour décorer, jamais pour décider.
Une jeunesse absente des instances électorales
Au Gabon, la jeunesse est majoritaire dans la population, mais totalement absente des espaces décisionnels. L’Autorité de contrôle des élections et du référendum (ACER), mise en place pour garantir la transparence du processus électoral, est composée d’anciens cadres du système, sans aucune représentation significative des jeunes. Aucun siège réservé à la jeunesse dans les commissions électorales, aucune initiative sérieuse pour leur permettre d’accéder aux organes de supervision.
Les jeunes sont-ils incompétents ? Certainement pas. Mais ils sont systématiquement tenus à l’écart des postes où ils pourraient exercer une influence réelle sur le processus électoral. Et lorsqu’ils tentent de s’organiser en dehors des cadres établis, ils sont marginalisés, voire réprimés.
De l’instrumentalisation à l’humiliation
Le seul rôle que l’on concède aux jeunes dans la politique gabonaise est celui de figurants dans les grandes messes électorales. Transportés par centaines vers des rassemblements politiques, ils servent à donner l’illusion d’un soutien populaire aux candidats. On leur demande d’applaudir, d’agiter des drapeaux, de scander des slogans, mais jamais de penser, ni de décider.
Une fois les élections terminées, plus personne ne se soucie d’eux. Ils retournent à l’oubli, à leurs problèmes quotidiens de chômage, de précarité et de manque de perspectives. Ce mépris institutionnalisé est une insulte à leur intelligence, un aveu de l’incapacité des dirigeants à leur faire une place réelle dans l’édifice politique national.
Une jeunesse complice de sa propre invisibilité ?
Mais l’État n’est pas le seul responsable de cette situation. Il faut aussi questionner l’attitude de la jeunesse elle-même. Pourquoi accepter un rôle aussi humiliant ? Pourquoi ne pas revendiquer une véritable place dans le processus politique ?
Certes, le système est verrouillé. Certes, l’engagement indépendant est découragé, voire entravé. Mais la politique ne se limite pas aux élections. Il est possible de créer des associations, de structurer des mouvements citoyens, d’imposer une nouvelle dynamique en dehors des cadres traditionnels. Pourtant, trop peu de jeunes osent s’organiser. Trop peu osent remettre en question le statu quo.
L’argument du manque de moyens ne tient pas. L’histoire politique mondiale regorge d’exemples de mouvements portés par une jeunesse qui, malgré l’adversité, a su imposer le changement. Pourquoi le Gabon ferait-il exception ?
Un avenir politique en péril
Si rien ne change, la jeunesse gabonaise restera un simple outil électoral entre les mains des mêmes élites. Il est grand temps de rompre avec cette logique d’exclusion et d’imposer un nouveau rapport de force.
L’État doit comprendre qu’un pays où la jeunesse est marginalisée est un pays condamné à la stagnation. Les jeunes doivent exiger des réformes : une représentation dans les commissions électorales, des programmes de formation aux responsabilités politiques, des mécanismes d’accompagnement pour ceux qui veulent s’engager.
Mais la véritable révolution ne viendra pas d’en haut. Elle viendra de la jeunesse elle-même, le jour où elle décidera de refuser d’être une simple masse docile et interchangeable.
Le temps de la résignation est terminé. L’heure est venue pour la jeunesse gabonaise de choisir : s’engager ou disparaître du jeu politique.