ÉCONOMIE

SOGARA contre Bilie By Nze : qui dit vrai sur l’origine du carburant gabonais ?

Une passe d’armes discrète mais révélatrice s’est jouée ces derniers jours entre la Société Gabonaise de Raffinage (SOGARA) et l’ancien Premier ministre Alain Claude Bilie By Nze, aujourd’hui candidat à l’élection présidentielle. En cause : une déclaration de ce dernier lors de l’émission « Un candidat, un projet », dans laquelle il affirmait que le Gabon s’approvisionne en carburant auprès du Togo.

Une sortie qui a suscité une réaction rapide de la part de la SOGARA. Dans un communiqué diffusé le samedi 5 avril, l’entreprise publique a catégoriquement réfuté toute importation directe de carburant depuis le Togo. « Contrairement à ce qui a été affirmé, le Gabon (précisément à travers la SOGARA) n’achète pas de carburant au Togo qui, de surcroît, ne dispose pas de raffinerie », précise le communiqué.

Une zone de transit logistique au cœur de la confusion

Pour la SOGARA, la confusion viendrait d’une mauvaise interprétation du rôle de la zone dite « Off Shore Lomé », située en haute mer dans le Golfe de Guinée. Il s’agit, selon la société, d’un espace maritime international utilisé par plusieurs pays d’Afrique centrale pour des opérations de transbordement (ou ship to ship), où les très grands navires peuvent accoster et transférer leurs cargaisons.

Mais si cette explication technique tient sur le plan logistique, elle se heurte à une autre réalité : celle des chiffres officiels du commerce extérieur du Gabon. En effet, la dernière note de conjoncture économique publiée par le ministère gabonais de l’Économie classe le Togo comme deuxième fournisseur en produits pétroliers du Gabon au troisième trimestre 2023, avec une augmentation de 581,3 % des exportations vers Libreville.

Deux lectures différentes d’une même chaîne d’approvisionnement

La contradiction entre les propos de Bilie By Nze et le communiqué de la SOGARA ne traduit pas nécessairement une erreur de l’un ou de l’autre, mais plutôt deux lectures différentes d’un même phénomène.

D’un côté, une lecture technique : la SOGARA précise que les produits pétroliers ne sont pas achetés à l’État togolais, mais à des traders internationaux opérant dans une zone de transit maritime proche du Togo. De l’autre, une lecture économique et politique : les flux réels de carburant passent par le Togo, qui devient de fait un partenaire commercial incontournable pour le Gabon, quelle que soit la nature du contrat ou l’origine du produit.

Une parole d’expérience

En évoquant le rôle du Togo dans l’approvisionnement du Gabon, Alain Claude Bilie By Nze ne s’est pas exprimé à la légère. En tant qu’ancien Premier ministre, il a eu accès aux dossiers stratégiques du pays, notamment ceux liés à l’énergie et aux importations. Sa déclaration repose donc vraisemblablement sur une connaissance approfondie des mécanismes d’importation et des partenariats logistiques internationaux.

Un débat révélateur

Ce différend, bien que feutré, met en lumière un enjeu de fond : la transparence sur la chaîne d’approvisionnement énergétique du pays. Où le Gabon achète-t-il son carburant ? Qui sont les véritables fournisseurs ? Quels rôles jouent les intermédiaires, les zones de transit et les États voisins dans ce circuit ?Autant de questions qui, à l’approche de l’élection présidentielle, méritent d’être posées avec rigueur, loin des querelles d’interprétation.

Car derrière le débat technique, c’est la question de la souveraineté énergétique qui se dessine, avec ses implications économiques, stratégiques et géopolitiques.

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