Burkina Faso : on en sait un peu plus sur le coup d’État manqué — une transition minée par la défiance interne

Une nouvelle tentative de coup d’État semble avoir été déjouée au Burkina Faso. Si le gouvernement de transition reste muré dans un silence révélateur, les faits parlent d’eux-mêmes : arrestations ciblées de hauts gradés, remaniement express au sein des forces armées et montée d’un climat de suspicion qui fragilise un pouvoir déjà affaibli par les défis sécuritaires. Le capitaine Ibrahim Traoré, qui s’était présenté comme le héraut d’un renouveau panafricain, se retrouve désormais au cœur d’une transition de plus en plus instable, minée par les luttes de pouvoir internes.
Une opération opaque qui confirme la fragilité du régime
Officiellement, aucune déclaration. Officieusement, les langues se délient. Des sources proches du pouvoir, relayées par RFI, confirment l’existence d’un plan de déstabilisation, porté par certains officiers actifs dans la hiérarchie militaire. L’arrestation du magistrat-commandant Frédéric Ouédraogo, ancien patron du bataillon de la Justice militaire, et celle du capitaine Elysée Tassembedo, responsable du Groupement de sécurisation du nord, ne relèvent pas du simple hasard : ces hommes occupaient des postes névralgiques dans la structure sécuritaire nationale.
Les circonstances de ces interpellations restent floues, mais les observateurs s’accordent à dire qu’il ne s’agit pas de simples sanctions disciplinaires. L’exécutif semble engagé dans une purge discrète visant à neutraliser toute voix dissidente ou concurrente dans l’appareil d’État. Une stratégie défensive classique dans les régimes militaires confrontés à la désillusion progressive de leurs propres soutiens.
Une armée fracturée
Derrière la façade de l’unité affichée, l’armée burkinabè montre des signes évidents de fissuration. Depuis sa prise de pouvoir en septembre 2022, le capitaine Traoré gouverne dans un équilibre précaire, s’appuyant davantage sur la loyauté présumée de certains corps que sur une vision politique claire et inclusive.
Le remaniement en cours au sein de l’institution militaire, loin d’être anodin, révèle une gouvernance fondée sur la méfiance. À mesure que le pouvoir se bunkerise, l’armée se transforme en champ de bataille d’ambitions rivales. Le risque ? Un effondrement du consensus militaire qui avait permis la montée en puissance de Traoré, dans un contexte de rejet du système précédent.
Une transition sans boussole politique ?
Les événements récents soulèvent une question fondamentale : où va réellement le Burkina Faso ? L’objectif initial de la transition — restaurer la sécurité et organiser un retour à l’ordre constitutionnel — semble relégué au second plan. Entre les menaces terroristes toujours présentes, les tensions internes croissantes et le raidissement autoritaire du pouvoir, la transition s’apparente de plus en plus à un régime de survie.
Dans cette dynamique, les coups d’État, ou leur simple évocation, ne sont plus des accidents isolés. Ils deviennent le symptôme d’un système qui tourne en boucle, sans vision, sans horizon.