POLITIQUE

Gabon – Brice Clotaire Oligui Nguema lance l’UDB : un nouveau parti pour tourner la page, ou la réécriture d’un vieux scénario politique ?

Libreville, 6 juillet 2025 – Par notre correspondant spécial

Dans un Palais des Sports de Libreville plein à craquer, le président gabonais Brice Clotaire Oligui Nguema a procédé ce samedi 5 juillet au lancement officiel de l’Union Démocratique des Bâtisseurs (UDB), sa propre formation politique. Après plusieurs mois d’attente et de spéculations, ce moment marque une étape structurante dans la consolidation du pouvoir du chef de l’État, élu en avril dernier au terme d’un processus de transition amorcé par le coup d’État du 30 août 2023.


Un lancement stratégique dans un Gabon en quête de stabilité

Né de la transformation du Rassemblement des Bâtisseurs (RdB), plateforme électorale qui avait porté la candidature d’Oligui Nguema, l’UDB se présente comme le prolongement partisan d’un projet présidentiel axé sur la refondation de l’État, la moralisation de la vie publique et l’unité nationale.

Devant un public composé de militants, de curieux, de responsables politiques, d’entrepreneurs et d’acteurs de la société civile, le président a exposé la philosophie de son parti : « Notre formation doit incarner l’espoir d’un Gabon nouveau, un Gabon tourné vers l’éthique, la justice sociale et le développement inclusif ».

Doté d’une devise – « Inclusivité – Développement – Félicité » – et d’un slogan ambitieux – « Ensemble, bâtissons le Gabon nouveau, digne d’envie », l’UDB entend se positionner comme le moteur politique du renouveau gabonais. Ses membres porteront le titre de « Démocrates Bâtisseurs ».


Une refondation annoncée… mais des visages du passé omniprésents

Si les symboles du changement étaient omniprésents nouveaux logos, uniformes aux couleurs vives, communication rajeunie , l’assistance, elle, racontait une autre histoire. Car au-delà du discours, la composition de l’assemblée a suscité de vives interrogations.

Tous les anciens barons du système déchu y étaient présents. Ministres déchus, députés reconvertis, et figures notoires du régime Bongo ont été aperçus aux premières loges. À leurs côtés, de nombreux démissionnaires du Parti Démocratique Gabonais (PDG), qui, après avoir quitté la barque fragilisée de l’ex-parti État, semblent avoir trouvé dans l’UDB un nouveau point d’ancrage politique.

« Ce parti est-il vraiment neuf, ou s’agit-il d’un costume taillé sur mesure pour recycler l’ancien appareil ? », interroge une universitaire de l’Université Omar Bongo, spécialiste des dynamiques politiques en Afrique centrale.


Une validation constitutionnelle à haute portée symbolique

La naissance de l’UDB intervient après un long débat juridique autour de l’article 82 de la Constitution, qui questionnait la capacité d’un président élu en qualité d’indépendant à créer une formation politique sans perdre son mandat. La Cour constitutionnelle a tranché : un président élu sans étiquette peut, une fois en fonction, structurer une formation partisane sans encourir de sanction.

Cette décision, bien que légalement fondée, n’a pas éteint les soupçons d’opportunisme politique. Pour certains observateurs, elle ouvre la voie à une nouvelle forme d’hégémonie présidentielle, semblable à celle instaurée par le PDG pendant plus de cinq décennies.


L’UDB : levier de gouvernance ou instrument de contrôle ?

Pour ses partisans, l’UDB est un outil de transformation. Le parti est censé accompagner les réformes, structurer la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale, et préparer les échéances électorales de 2025 et 2026. Il permet à Oligui Nguema de ne plus dépendre des alliances de circonstance.

Mais pour ses détracteurs, il s’agit surtout d’un instrument de centralisation du pouvoir. Plusieurs militants de la société civile, ainsi que des voix dans la diaspora, dénoncent déjà une « recomposition sans rupture », pointant l’absence d’ouverture à de nouvelles figures issues de la jeunesse, des femmes, ou des mouvements citoyens.

« Si c’est pour redonner du pouvoir aux anciens, alors ce n’est pas une refondation. C’est un recyclage stratégique », tranche un activiste gabonais basé à Montréal.


Un test politique grandeur nature

Le lancement de l’UDB ne peut être interprété comme un simple fait partisan. Il s’inscrit dans une séquence de reconfiguration du champ politique gabonais. Après la transition, et face aux attentes populaires, le président joue une carte majeure : s’instituer comme bâtisseur d’un nouvel ordre tout en s’entourant d’une architecture politique solide.

Mais cette opération comporte un risque de crédibilité. Si le parti ne se dote pas d’instances internes démocratiques, de mécanismes d’auto-critique, et d’un renouvellement réel des profils, il pourrait vite apparaître comme un prolongement habillé du passé.


Un pari audacieux entre rupture et continuité

La création de l’Union Démocratique des Bâtisseurs par Brice Oligui Nguema marque un tournant important dans l’histoire politique du Gabon. Elle signe la fin de la parenthèse indépendante et le début d’une ère de gouvernance fondée sur une base partisane affirmée.

Mais au-delà de la rhétorique et de la ferveur populaire, le défi est immense : incarner une rupture crédible, offrir de nouveaux visages à la politique gabonaise, et redonner confiance à une jeunesse lassée des promesses recyclées.

L’UDB saura-t-elle être le levier de cette transformation, ou finira-t-elle par rejouer les partitions bien connues d’un passé politique que le pays peine à dépasser ? La réponse viendra non des discours, mais des actes. Et le Gabon, désormais à l’ère de la Cinquième République, observe.

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