SOCIETE

Les Cartes Bancaires au Gabon, un Privilège Réservé aux Fonctionnaires et à une Élite Étudiante

Au Gabon, la carte bancaire est un privilège qui échappe à une grande partie de la population. Tandis que dans d’autres pays africains, la digitalisation des services financiers a révolutionné l’accès aux services bancaires, ici, cet outil essentiel reste l’apanage d’une minorité : les fonctionnaires et certains étudiants. Pour la majorité des Gabonais, l’économie fonctionne toujours sous le régime du “yes à la main”, une dépendance excessive au liquide qui souligne l’exclusion financière massive du pays.

Un Système Bancaire Élitaire

« C’est incroyable qu’en 2024, je doive encore me déplacer avec tout mon salaire en espèces », se lamente Jean-Pierre, fonctionnaire retraité à Libreville. « Même pour retirer de l’argent, je dois faire la queue pendant des heures à la banque parce qu’il n’y a pas assez de distributeurs automatiques. »

Cette frustration est partagée par de nombreux Gabonais qui, sans carte bancaire, sont piégés dans un système archaïque. Les fonctionnaires et une petite élite d’étudiants sont parmi les rares à pouvoir bénéficier de ce service, car leurs salaires et allocations sont directement versés sur leurs comptes bancaires. Mais pour la majorité des citoyens, le simple fait d’ouvrir un compte bancaire est un parcours du combattant.

Les banques exigent des pièces justificatives complexes, imposent des dépôts initiaux élevés et des frais mensuels prohibitifs. Ces conditions sont tout simplement inaccessibles pour ceux qui travaillent dans l’informel, représentant une part importante de la population gabonaise. Pour eux, la carte bancaire reste un objet lointain, presque fantasmé.

Une Fracture Sociale et Économique Grandissante

La fracture bancaire au Gabon ne fait que renforcer les inégalités économiques et sociales. Alors que certains peuvent se permettre de gérer leur argent via des applications et des cartes de débit, la majorité de la population continue de dépendre du liquide.

« Sans carte bancaire, tout devient compliqué. Il est impossible de payer certaines factures, et même pour retirer de l’argent, il faut parfois aller jusqu’en ville », explique Alice, une commerçante basée à Port-Gentil. « Mais en même temps, avec les frais bancaires, on se demande si ça vaut vraiment la peine d’avoir un compte », ajoute-t-elle, désabusée.

Pour ceux qui vivent en dehors des grands centres urbains, l’accès aux banques est un défi quotidien. Les distributeurs automatiques de billets sont rares en dehors des capitales provinciales, et même lorsqu’ils existent, ils sont souvent hors service. Cela force les citoyens à stocker de l’argent chez eux, augmentant le risque de vol, ou à compter sur des solutions alternatives, comme les tontines ou les prêts informels, souvent risqués.

L’Heure des Solutions

Face à cette situation, il est urgent que les autorités gabonaises agissent. Plusieurs solutions peuvent être mises en œuvre pour remédier à cette exclusion financière massive. D’abord, les banques doivent repenser leur modèle, en offrant des comptes à frais réduits ou sans frais, destinés aux citoyens à faibles revenus et aux travailleurs de l’informel.

Ensuite, il est essentiel d’encourager l’essor des technologies financières (fintechs) et des services de mobile banking, déjà adoptés avec succès dans d’autres pays africains comme le Kenya avec M-Pesa. Ces solutions permettent aux populations, même sans compte bancaire traditionnel, d’effectuer des transactions, de recevoir de l’argent et de payer des factures via leur téléphone portable.

Enfin, le gouvernement doit jouer un rôle actif en imposant des réformes bancaires favorisant une plus grande inclusion financière. L’objectif doit être de bancariser une plus grande partie de la population, afin de favoriser le développement économique et de réduire les inégalités.

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