Entre convictions et opportunisme : les paradoxes de la classe politique gabonaise
Dans l’arène politique gabonaise, l’attitude de certains acteurs continue de surprendre, voire de décevoir. Ces derniers jours, la rencontre entre le Président de la Transition, le Général Brice Clotaire Oligui Nguema, et les partisans du « NON » à la nouvelle Constitution révèle une nouvelle facette de la versatilité politique qui caractérise une partie de l’élite gabonaise.
Pendant la campagne référendaire, les voix critiques s’étaient élevées pour dénoncer la gouvernance de la Transition et s’opposer vigoureusement au projet de nouvelle Constitution. Les discours, parfois virulents, promettaient une opposition intransigeante. Ces acteurs affichaient une posture de défiance vis-à-vis d’un processus qu’ils considéraient comme biaisé et déconnecté des aspirations populaires.
Pourtant, à peine quelques jours après la proclamation des résultats, ces mêmes figures se pressent aux portes du Palais Rénovation pour dialoguer avec celui qu’ils vilipendaient hier encore. Au nom d’une « approche inclusive », ils saluent désormais l’esprit d’ouverture du Chef de l’État et se disent prêts à collaborer pour construire un avenir démocratique. Une volte-face qui interroge sur la cohérence et l’authenticité de leurs engagements.
De l’opposition frontale au dialogue conciliateur
Durant la campagne référendaire, les critiques avaient fusé contre la gouvernance de la Transition et le projet de nouvelle Constitution. Les opposants dénonçaient un processus qu’ils considéraient comme partial et éloigné des préoccupations populaires. Cependant, à peine le référendum achevé, ces mêmes voix ont rapidement accepté l’invitation du Président, adoptant un ton bien plus conciliant.
Jean Rémy, représentant du camp du « NON », a salué l’esprit d’ouverture du Chef de l’État, affirmant que « le Président a tenu à rappeler qu’il n’y avait ni vainqueur ni vaincu. Nous partageons tous un objectif commun : renforcer la démocratie ». Un revirement qui contraste avec les discours enflammés tenus quelques jours plus tôt.
Nicole Assélé, également du camp du « NON », a quant à elle insisté sur la nécessité d’intégrer l’équité de genre dans le nouveau code électoral, une revendication accueillie favorablement par le Président. Si ces prises de position semblent positives, elles interrogent sur la sincérité des critiques formulées auparavant.
Le spectre de la gestion politique à la Omar Bongo
Certains observateurs n’hésitent pas à comparer l’approche du Président Oligui Nguema à celle de l’ancien président Omar Bongo Ondimba. Ce dernier, connu pour sa capacité à neutraliser l’opposition par une combinaison de dialogue, d’intégration et de concessions stratégiques, avait instauré un système politique où la cooptation prenait souvent le pas sur le véritable pluralisme démocratique.
Aujourd’hui, les critiques estiment que la Transition risque de reproduire ce schéma. En recevant les opposants, le Président semble non seulement apaiser les tensions, mais aussi désamorcer les critiques les plus virulentes. Pour certains, cette stratégie pourrait affaiblir la dynamique d’une opposition forte et structurée, essentielle à une démocratie en construction.
La Transition face à une élite fragmentée
Le Président Oligui Nguema, en recevant les partisans du « NON », a une fois de plus tendu la main à toutes les sensibilités, confirmant sa volonté de faire du dialogue un pilier central de cette période de Transition. Mais cette ouverture ne doit pas être un prétexte pour les acteurs politiques de se dérober à leurs responsabilités. Il ne s’agit pas simplement de se rallier au processus en cours, mais d’y contribuer avec des propositions concrètes et des engagements sincères.
La Transition, par définition, est une période de réinvention et de remise à plat des pratiques politiques. Si cette élite persiste dans ses contradictions, elle risque de reproduire les travers du passé, sapant ainsi les espoirs de renouveau démocratique. Il est urgent que les acteurs politiques gabonais dépassent leurs querelles de circonstance et adoptent une posture plus cohérente et responsable.
Un appel à la responsabilité politique
Le moment est venu pour la classe politique de dépasser les calculs personnels et les stratégies opportunistes. Il ne s’agit plus seulement de se positionner pour rester pertinent, mais de contribuer activement à la construction d’un nouveau contrat social.
L’élaboration du nouveau code électoral, annoncée comme une priorité par le Président, sera un test majeur. Si elle est menée avec transparence et inclusivité, elle pourrait marquer un tournant dans la reconstruction de la confiance entre les citoyens et leurs dirigeants.
Les Gabonais attendent des actions, pas des discours changeants. La versatilité, si elle s’inscrit dans une dynamique de renouveau et non de compromission, peut devenir un atout. Mais pour cela, il faut une classe politique qui met les intérêts de la nation au-dessus de ses ambitions personnelles.
Le défi pour le Président Oligui Nguema sera de démontrer que, contrairement à Omar Bongo, son approche du dialogue n’est pas une manière d’affaiblir l’opposition, mais bien un levier pour renforcer la démocratie. Aux acteurs politiques, maintenant, de prouver qu’ils peuvent être cohérents dans leurs engagements et véritables moteurs du changement attendu par les Gabonais.