Mahamat Déby, Maréchal : Une régression historique déguisée en hommage
N’Djamena, 9 décembre 2024 – Ce lundi, Mahamat Idriss Déby Itno, président de transition du Tchad, a été élevé à la dignité de Maréchal, un titre voté par le Conseil National de Transition à une large majorité (160 voix pour, 2 contre, et 6 abstentions). Cette décision, bien que saluée par certains comme une reconnaissance des efforts du chef de l’État dans la lutte contre Boko Haram, soulève des interrogations quant à sa pertinence dans le contexte du XXIe siècle.
Une distinction honorifique controversée
L’attribution du titre de Maréchal au président tchadien intervient à un moment où le pays est en pleine transition politique. Depuis son accession au pouvoir en avril 2021, suite au décès de son père, Idriss Déby Itno, lui-même Maréchal, Mahamat Idriss Déby s’efforce de consolider son autorité. Ce titre honorifique semble être un prolongement de cette stratégie, visant à renforcer son image en tant que leader militaire et politique incontestable.
Cependant, cette décision divise. Pour les partisans de Déby, cette élévation est une reconnaissance des services rendus à la Nation, notamment à travers l’opération Haskanite, une riposte militaire contre Boko Haram ayant permis de repousser les terroristes dans la région du Lac. Pour d’autres, elle reflète une volonté de perpétuer un culte de la personnalité et de militariser davantage une transition déjà fragile.
Une pratique d’un autre temps ?
Historiquement, le titre de Maréchal a été réservé à des figures militaires ayant marqué leur époque, comme Napoléon Bonaparte ou encore certains leaders de la Seconde Guerre mondiale. Mais dans un monde où les conflits évoluent vers des dynamiques asymétriques et où les systèmes démocratiques privilégient les institutions aux hommes forts, l’attribution d’un tel titre apparaît désuète.
Cette nomination suscite donc une question fondamentale : quel est le sens de ces distinctions dans un pays confronté à des défis structurels tels que la pauvreté, le chômage, et l’insécurité ? Le Tchad, comme beaucoup d’autres nations africaines, aspire à la modernisation et à la gouvernance démocratique. Pourtant, élever un homme à un titre militaire quasi-monarchique semble aller à l’encontre de ces aspirations.
Un symbole de pouvoir plus que de servicePour certains observateurs, l’élévation de Mahamat Idriss Déby au rang de Maréchal illustre une tentative de légitimation politique. Dans un régime où la transition s’éternise et où les promesses de démocratisation tardent à se concrétiser, ces gestes symboliques servent à asseoir l’autorité d’un homme au détriment des institutions.
De plus, cette décision intervient alors que le Tchad peine à mettre en œuvre les recommandations du dialogue national inclusif, notamment en ce qui concerne la réduction du rôle de l’armée dans la gestion politique du pays. Conférer un titre aussi puissant à un chef d’État en uniforme ne fait que brouiller davantage les lignes entre autorité civile et militaire.
Une transition à la croisée des chemins
Alors que le Tchad s’efforce de se redéfinir après des décennies de régime autoritaire, ce genre de distinction pose une question cruciale : le pays aspire-t-il à une véritable transformation démocratique ou perpétue-t-il les dynamiques du passé ?
Pour l’instant, Mahamat Idriss Déby Itno reste un symbole puissant, mais son élévation au rang de Maréchal pourrait bien devenir le reflet d’un régime qui privilégie les honneurs personnels aux réformes structurelles indispensables pour garantir un avenir stable et prospère.