Taxi-Gab+ : entre dérives comportementales et gestion hasardeuse, un projet présidentiel en surchauffe

Lancé il y a à peine huit mois sous l’impulsion du président de la République Brice Clotaire Oligui Nguema, le projet Taxi-Gab+ devait incarner une nouvelle ère dans le transport urbain gabonais. Mais à l’épreuve du terrain, l’initiative semble aujourd’hui montrer de sérieuses fissures, entre indiscipline chronique, recrutement peu rigoureux, et gestion interne sous tension.
Au cœur de la tourmente, une note interne datée du 7 mai émanant du directeur général de Taxi-Gab+, Curt Myricks Fouty Obeye, sommant les chauffeurs en défaut de paiement de se régulariser sans délai, sous peine de résiliation de contrat. Une communication jugée “brutale” par plusieurs conducteurs, qui dénoncent un manque d’écoute de l’administration face aux difficultés concrètes rencontrées : maladies, pannes techniques, inondations, ou encore accidents non couverts.
Des comportements déviants qui sapent le projet
Mais le malaise va au-delà des considérations financières. En marge de cette tension administrative, plusieurs enregistrements sonores et témoignages accablants ont fait surface sur les réseaux sociaux, dévoilant des pratiques pour le moins troublantes. Certains chauffeurs confient leur véhicule à des tiers conjoints, amis, voire inconnus en violation manifeste du contrat. D’autres sont pointés du doigt pour leur manque de professionnalisme : usage de drogue, comportements sexuels inappropriés à bord des véhicules, hygiène douteuse, arrêts prolongés devant des bars, ou encore insubordination ouverte.
Un constat que le DG lui-même reconnaît, évoquant une « minorité toxique » qui, selon lui, ternit l’image du programme. Il rappelle que le contrat interdit formellement de céder le véhicule à une tierce personne. Pourtant, les sanctions restent rares, et les récidives fréquentes. Pourquoi ? Le recrutement initial, selon plusieurs sources internes, aurait été réalisé dans un flou total, sans véritable filtre, ni sélection sur des critères objectifs de fiabilité ou d’engagement.
Un projet saboté de l’intérieur ?
Initialement conçu pour créer une classe moyenne d’entrepreneurs du transport, Taxi-Gab+ se retrouve parasité par des profils peu enclins à respecter un cadre de travail rigoureux. Sur les 800 chauffeurs recensés, environ 50% seraient aujourd’hui à jour de leurs paiements. Mais 30% constitueraient, selon le DG, une frange ingérable, réfractaire à toute discipline et allergique à l’effort constant qu’impose une gestion entrepreneuriale.
Le paradoxe est total : des individus qui ont librement signé un contrat s’érigent aujourd’hui en victimes, alors même qu’ils refusent d’en assumer les règles élémentaires. Pire encore, certains justifient leurs dérives par des arguments culturels : « au Gabon, on boit toujours sa bière », aurait répondu un chauffeur à une interdiction de stationner devant un débit de boisson.
Le DG entre pédagogie et menaces à peine voilées
Face à ce désordre, Curt Myricks Fouty tente d’instaurer un système d’échéanciers personnalisés, censés accommoder les cas de force majeure, tout en assurant la poursuite des versements. Mais en filigrane, une menace plane : les prochains véhicules sont réservés aux meilleurs profils, et la liste d’attente de 2 000 candidats est bien réelle. Comprendre : les mauvais payeurs, les chauffeurs à problèmes ou ceux qui “se plaignent trop” seront remplacés sans état d’âme.
Un projet présidentiel en perte de contrôle ?
Pensé comme un levier de lutte contre le chômage et de valorisation de l’initiative privée, Taxi-Gab+ est en train de devenir un symptôme du mal gabonais : celui d’un système où la complaisance, la mauvaise gouvernance et l’indiscipline prennent le pas sur la rigueur et l’excellence. Le président de la République, qui a mis son autorité politique au service de ce projet, devra trancher : tolérer les dérives ou exiger des résultats.