TRIBUNE LIBRE: Taxi Gab+ : Quand la rigueur devient stigmatisation sociale

Par Gaël Koumba Ayouné, analyste généraliste, leader d’opinion, ancien prisonnier politique
“Le progrès ne se mesure pas seulement à la modernité des outils, mais à la manière dont on traite les hommes et les femmes qui les utilisent.”
Les déclarations du Directeur Général de Taxi Gab+, M. Curt Myricks Fouty Obeye, parues dans le quotidien L’Union ce 13 mai, ont provoqué un malaise légitime. Non pas parce qu’elles évoquent des réalités qu’il faut occulter, mais parce qu’elles relèvent d’une rhétorique méprisante, culpabilisante, et dangereusement généralisante.
Oui, des dysfonctionnements existent dans l’exploitation du service Taxi Gab+. Il ne s’agit pas de les nier. Mais faut-il, pour autant, transformer une démarche de régulation en une croisade d’humiliation publique ? Quand un dirigeant qualifie 30% de ses collaborateurs de « mauvaise graine », qu’il les accuse pêle-mêle de paresse, d’indiscipline, d’ébats sexuels dans les véhicules, de transport de drogue et d’hygiène douteuse, il ne fait pas œuvre d’autorité. Il exerce un pouvoir par le discrédit. Et cela, dans un pays qui se relève à peine d’un long coma social, est non seulement malvenu, mais contre-productif.
Un projet présidentiel ne peut être piloté par le mépris.
Les chauffeurs de Taxi Gab+ ne sont pas des apprentis dans un pensionnat colonial. Ce sont des adultes, des citoyens Gabonais, parfois anciens chômeurs, souvent chefs de famille, qui ont vu dans ce projet une chance de dignité retrouvée. Une plateforme censée concilier innovation technologique et justice sociale ne peut devenir une machine à reléguer, à insulter, à condamner avant de comprendre.
Quand un conducteur gare son véhicule devant un bar, faut-il en déduire une intention déviante ? Quand il prête sa voiture à un proche, est-ce forcément une trahison ou plutôt un signe de précarité, de fatigue ou d’obligations personnelles mal comprises ? Là où certains ne voient que faute, d’autres devraient lire besoin d’accompagnement.
La transformation ne se décrète pas, elle se construit. Et elle se construit avec les gens, non contre eux.
Nous le disons clairement : oui à la discipline, oui à la rigueur, mais non à la stigmatisation. Ce pays a besoin d’un encadrement juste, d’une pédagogie sociale, d’une gouvernance humaine. La transition ne doit pas reproduire les réflexes verticaux d’un passé autoritaire. Elle doit inventer un modèle nouveau : participatif, respectueux, solidaire.
Dans cette optique, nous nous engageons à déposer, dans les jours à venir, un dossier de propositions concrètes. Non pas pour protester, mais pour construire : chartes sociales, programmes de formation, soutien psychologique, dialogue entre partenaires… Car on ne réforme pas un corps professionnel à coup de déclarations fracassantes dans la presse. On l’élève par le respect, la co-construction et l’exemplarité.
“On ne construit pas un pays sur des plateformes numériques. On le construit sur des valeurs humaines partagées.”
Taxi Gab+ doit devenir un modèle, pas un stigmate. Une réussite sociale, pas un champ d’exclusion.
Et pour cela, Monsieur le Directeur Général, il ne suffit pas d’imposer des règles : encore faut-il les rendre justes, comprises, et légitimes.
La Révolution Viendra du Mapane.
Et elle portera, avec elle, la dignité de toutes celles et ceux qu’on refuse d’entendre.