Gabon : le NIP, nouveau bras armé du contrôle politique ?

Libreville, 24 juin 2025 – Gabonactu24.com
Derrière la récente réforme sur les partis politiques adoptée à l’Assemblée nationale, un élément technique suscite de vives inquiétudes : l’utilisation du NIP (Numéro d’Identification Personnel) comme condition d’adhésion et de reconnaissance des formations politiques. Présenté comme un simple outil de vérification administrative, le NIP devient en réalité une arme redoutable de surveillance politique.
Quand militer devient risqué
Désormais, tout citoyen souhaitant adhérer à un parti devra transmettre son NIP, cet identifiant personnel unique, utilisé dans les démarches fiscales, administratives et sociales. Ce qui, dans les faits, revient à dévoiler son orientation politique à l’État.
Et c’est là que le piège se referme. Dans un pays où l’appareil d’État est fortement politisé, le NIP permet de tracer avec précision qui appartient à quel parti, et donc, qui est avec ou contre le pouvoir en place. Une sorte de “fichage politique officiel” qui ne dit pas son nom.
« Si vous donnez votre NIP à un parti d’opposition, vous devenez automatiquement suspect aux yeux du pouvoir. Si vous êtes fonctionnaire, militaire ou étudiant, cela peut vous suivre longtemps », confie un cadre administratif sous anonymat.
Des exemples qui font froid dans le dos
Imaginez un citoyen qui décide de rejoindre un parti ancien comme le PDG, ou un mouvement porté par un adversaire du président, comme le parti d’Alain-Claude Bilie-By-Nze. Dès que son NIP est intégré dans la base de données du parti, il devient identifiable, classable, et potentiellement exclu des “circuits favorables” : recrutements, promotions, bourses, opportunités économiques.
« Dans certains milieux, le simple fait d’avoir donné votre NIP à un autre parti que celui du président suffit à vous fermer des portes. Ce n’est plus une démocratie, c’est un tri numérique de la population », alerte un ancien opposant.
L’effet dissuasif est réel
Avec le climat actuel, beaucoup de Gabonais vont renoncer à militer dans des partis alternatifs, non pas par manque d’intérêt politique, mais par peur d’être identifiés et sanctionnés en silence. Ce mécanisme sournois installe une autocensure généralisée, dans laquelle seul le parti du président apparaît comme “sûr” pour ceux qui veulent protéger leur avenir professionnel ou social.
Des professeurs d’université, des policiers, des agents municipaux ou des jeunes diplômés hésiteront désormais avant de s’engager ailleurs que dans le parti présidentiel, de peur de se retrouver “catalogués” à cause de leur NIP.
Une démocratie sous identifiant unique
Ce qui devait être un outil technique devient un levier politique centralisé. Loin de renforcer le pluralisme, l’usage systématique du NIP réduit l’espace démocratique, car il instaure un système de contrôle permanent et invisible, dans lequel l’engagement devient suspect, et la neutralité une stratégie de survie.
Un risque de dérive autoritaire numérique
En croisant les bases de données des ministères, des entreprises publiques et des partis politiques, le NIP pourrait devenir un instrument de pression inédit, à l’ère du numérique. Un DG, un recteur, un ministre ou un directeur régional pourra “consulter” à qui appartient tel ou tel NIP… et agir en conséquence.