Tribune libre :La multiplication des scandales économico-financiers Sévir pour en finir avec le crime organisé et rassurer l’opinion

Par JOVANNY MOUBAGNA, JURISTE PUBLICISTE CHERCHEUR À L’UNIVERSITÉ OMAR BONGO, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ADJOINT DU CERCLE DE RÉFLEXION DES ÉTUDIANt EN DROIT ET LEADER D’OPINION.
Ce que murmuraient les gabonais depuis quelques temps déjà, prend une ampleur nouvelle au diapason de leur désarroi, répétant la mort dans l’âme, à la moindre évocation des scandales politico-financiers à répétition que l’on observe à tous les niveaux du pouvoir.
Où est passé le « peuple d’abord », ce titre phare jadis au top du hit-parade, vibrant à toutes les cérémonies et que l’assistance reprenait à l’unisson ? Oublié. Personne n’ose en parler sous peine de se faire copieusement invectiver. Où est passé « l’État de droit » ? Oublié. Personne n’ose en parler sous peine de se faire insulter. Où est passée « la justice » ? La pauvre ; elle est tombée malade, son pronostic vital engagé, pendant que son médecin traitant, en l’occurrence “le magistrat suprême” avoue en privé comme en public son impuissance à la guérir, tout en continuant à faire croire à qui veut l’entendre qu’il est apte à diriger le Gabon! Où est passée « la lutte pour la bonne gouvernance et contre la corruption » ? Oubliée. Personne n’ose en parler sous peine de se faire diaboliser et d’être accusé de trahison.
En réalité, toutes ces belles idées, aussi mielleuses qu’alléchantes, en lesquelles plusieurs compatriotes avaient pourtant cru, appartiennent depuis lors à un lointain passé que personne n’ose évoquer ; les principaux acteurs étant à ce jour confrontés au choix entre l’exercice intègre du pouvoir et l’inclination à l’enrichissement personnel insatiable.
De sa demeure présidentielle vers l’extérieur en légalisant, à l’aube de son premier mandat, les rétro commissions, la méconnaissance notoire des procédures de passation des Marchés Publics, le Président Brice Clotaire Oligui Nguema avait en une seule sortie médiatique, détruit tous les fondements de la lutte de nos héros . Tout le monde s’en souvient, c’était dans l’affaire des contrats de gré à gré, de retro commissions reçus et la justification du limogeage du DGBFIB.
Il avait ainsi ouvert la voie à la prévarication, trahissant de facto sa charge ; ce qui explique cet enchainement des scandales qui se suivent et se ressemblent d’autant que leurs auteurs s’y livrent en toute impunité en se moquant éperdument de ceux qui les dénoncent. Deux ans après, personne n’est en prison ni menacé d’emprisonnement alors que du 30 août 2023 à ce jour, plusieurs affaires de corruption, détournements et rétro commissions défraient la chronique non sans heurter le bon sens le plus élémentaire. Personne n’a restitué les sommes d’argent détournées.
Personne n’est interpellé ou alors ceux qui le sont se voient relaxés, sans explication. Conséquence : « le peuple d’abord, la lutte contre la corruption, l’état de droit, etc », idéaux chers au Président de la République, sont relégués aux oubliettes au point de ne plus être évoqués même dans les réunions restreintes et du gouvernement ! A la place, on préfère évoquer la réglementation en matière des nominations de copains et coquins! Au pays du corbeau et du renard, où la flatterie reste la seule garantie pour remplir sa panse, tout le monde évite expressément d’aborder ces sujets qui fâchent. On sait pourquoi.
Pour contourner l’écueil du peuple, le régime du Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement semble avoir fait le choix du populisme, comme le fit Lénine (1870-1924) en son temps, ce démagogue pour qui “il faut proposer aux électeurs des solutions simples à des problèmes complexes”, “quitte à mentir et désigner des boucs émissaires, seuls responsables de la situation misérable de la nation”. Tiré de l’ouvrage de Lénine : “La maladie infantile du communisme, essai de causerie populaire sur la stratégie et la tactique marxistes” ; Moscou, 1920.
Que dire des affaires aussi grotesques dans lesquelles, en violation du cadre légal et dans une opacité propice à lever toute suspicion, des marchés publics sont octroyés à des entreprises montées de toutes pièces, appartenant à des proches, et où des commissions faramineuses sont rétrocédées dans un pays où les rétro commissions ont cessé d’être, par la parole et la volonté du Chef, une infraction à la loi, à l’exemple des cas les plus récents.
Que dire ? Il s’agit clairement d’une délinquance financière institutionnalisée, à laquelle se livrent en toute impunité des agents publics, hauts fonctionnaires et dignitaires attitrés du pouvoir, tous sanctifiés par la banalisation de la pratique des retro commissions, opérant « dans les Aventures de Télémaques», où «mes ministres ne sont pas des voleurs», avec une «justice malade» et où certains malins flatteurs tentent de faire croire à l’opinion que la gouvernance ancienne serait responsable de ces fléaux! Trêve de balivernes !
Le Président de la République est-il au courant ?
C’est la question que tout le monde se pose, au vu de l’ampleur des scandales économico-financiers qui ternissent inexorablement son régime. A l’évidence son attitude questionne et ne rassure. Quelle valeur le Chef de l’état donne-t-il à sa parole ? Que fait-il de son devoir d’éthique et exemplarité ? Quand on se rappelle que dans l’un de discours prononcé le Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement affirmait que : “la lutte contre l’impunité, contre la corruption et les antivaleurs, constituent les éléments centraux de ma stratégie, sans lesquels tout réel espoir de changement est impossible” ; son silence intrigant questionne et traduit un laxisme qui inquiète au vu de la montée en puissance de la criminalité financière imputable aux agents publics, au préjudice de l’État. Il y a lieu de se demander qui trompe qui ? “On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps.” ; Abraham Lincoln (1809-1865)
C’est à l’aune de son attitude en matière de lutte contre la corruption que le peuple jugera le président de la république quant à son engagement « à ne plus reproduire les erreurs du passé ». En attendant, force est de relever que toutes ces dérives rappellent combien les pratiques du crime organisé hypothèquent notre avenir commun et mettent gravement en danger le pays.