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Bilie-By-Nze défie la Cour des comptes sur fond de réforme électorale

Libreville, 28 juillet 2025 – L’ancien Premier ministre gabonais Alain-Claude Bilie-By-Nze, désormais figure centrale de l’opposition, est au cœur d’un affrontement institutionnel avec la Cour des comptes. En jeu : la reddition de ses comptes de campagne, exigée dans le cadre de la nouvelle législation électorale. Ce contentieux révèle une fracture profonde entre deux conceptions du rôle des institutions républicaines dans le Gabon post-transition.

Le 16 juillet dernier, la Cour des comptes a adressé une sommation à Bilie-By-Nze, candidat malheureux à l’élection présidentielle d’avril 2025, lui enjoignant de déposer ses comptes de campagne dans un délai de huit jours. Une démarche fondée sur les articles 371 et 373 du nouveau Code électoral (loi 001/2025) et sur l’article 141 de la loi organique n°11/94 portant organisation et fonctionnement de la juridiction financière.

Mais l’ancien chef du gouvernement, aujourd’hui à la tête du parti Ensemble pour le Gabon (EPG), rejette catégoriquement la compétence de la Cour des comptes. Invoquant une exception d’inconstitutionnalité, il conteste la légalité même de cette injonction, estimant que la Constitution limite les prérogatives de cette institution au contrôle des finances publiques, excluant, selon lui, les dépenses de campagne relevant de la sphère privée.

« Il s’agit d’un dépassement de pouvoir manifeste. La Cour des comptes ne peut se substituer au législateur ou à une autorité judiciaire compétente pour se transformer en censeur politique », a-t-il déclaré lors d’un point presse à Libreville.


Un enjeu institutionnel majeur

Pour Bilie-By-Nze et son parti, l’affaire dépasse le cadre individuel. L’EPG y voit une dérive institutionnelle susceptible de menacer les principes fondamentaux de l’État de droit, notamment la séparation des pouvoirs et la hiérarchie des normes juridiques. Selon cette lecture, l’extension des compétences de la Cour des comptes dans le champ électoral relève d’une interprétation abusive des réformes récentes.

La formation politique dénonce également une tentative de légitimer a posteriori un contrôle qui ne reposerait sur aucune base constitutionnelle, accusant la juridiction financière de vouloir s’ériger en « autorité morale » ou en « arbitre politique ».


Une lecture évolutive du droit par les institutions ?

Face à ces accusations, la Cour des comptes reste silencieuse mais déterminée. Ses partisans invoquent une volonté d’adapter les institutions aux exigences contemporaines de transparence démocratique. Dans un contexte régional marqué par des contestations électorales chroniques et une méfiance accrue des citoyens envers les pratiques de financement politique, le contrôle des dépenses de campagne apparaît comme un impératif de moralisation de la vie publique.

En ce sens, la réforme du Code électoral, adoptée en début d’année, étend explicitement le rôle de la Cour des comptes, qui devient juge de la sincérité et de la régularité des dépenses électorales. Pour ses défenseurs, refuser ce rôle reviendrait à reculer sur les avancées démocratiques obtenues après la Transition.


Une saisine stratégique de la Cour constitutionnelle

Face à ce désaccord frontal, la Cour constitutionnelle a été saisie par l’opposant afin de trancher sur la conformité des textes électoraux à la loi fondamentale. L’enjeu est crucial : valider l’interprétation actuelle reviendrait à entériner une transformation majeure du rôle de la Cour des comptes, qui deviendrait un pilier central de la gouvernance électorale. À l’inverse, une invalidation des textes créerait un vide juridique, fragilisant l’ensemble du dispositif de contrôle post-électoral mis en place cette année.

La juridiction constitutionnelle, longtemps perçue comme prudente, est ici appelée à jouer un rôle d’arbitre institutionnel décisif. Sa décision, attendue dans les prochaines semaines, pourrait bien redessiner les contours du champ politique et institutionnel gabonais.

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