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Fonction publique gabonaise : à deux millions d’habitants, nous suffoquons déjà !

Par Danyska MOUKAGA – Gabonactu24.com

Le ministre de l’Économie, Henri-Claude Oyima, a récemment déclaré :
« La fonction publique ne peut plus recruter, il faut désormais entreprendre. »
Un constat dur, froid, presque désabusé. Mais derrière cette phrase, c’est tout un modèle de gouvernance qui se fissure. Car dans un pays de 2 millions d’habitants seulement, entendre que l’État n’a plus de place pour ses propres citoyens est un aveu d’impuissance. Et une question s’impose : si à deux millions, nous suffoquons déjà, que deviendrions-nous à vingt ?


Une administration trop grosse pour un petit pays

Le Gabon n’est pas un géant démographique. Avec sa population modeste, il aurait dû être un modèle de gestion efficace.Mais depuis des décennies, l’administration publique s’est transformée en une machine lourde et coûteuse, sans véritable rendement. Des ministères, des directions, des agences et des postes superposés souvent sans mission claire alimentent une bureaucratie qui absorbe des milliards, sans répondre aux besoins réels du pays.

Ce n’est plus un État au service des citoyens. C’est un État qui se sert lui-même.


Un refrain ancien : Ali Bongo l’avait déjà dit

Ce qui frappe dans les propos du ministre Oyima, c’est leur caractère répétitif.
Souvenons-nous : Ali Bongo Ondimba, à l’époque, avait lui aussi affirmé que « la fonction publique ne peut plus recruter ».
C’était déjà présenté comme une mesure de rigueur et de réforme. Mais dans les faits, les recrutements ont continué, souvent de manière sélective, favorisant les mêmes cercles, les mêmes familles, les mêmes réseaux.

L’histoire aurait pu s’arrêter là.
Mais en 2023, après le changement de régime, le président Brice Clotaire Oligui Nguema avait tenu un discours radicalement différent : il invitait les jeunes à aller déposer leurs dossiers dans les ministères, promettant de rouvrir les portes de la fonction publique, dans un élan d’espérance et de réconciliation nationale.


Populisme ou réalité ?

Alors, que devons-nous comprendre aujourd’hui ?
Le revirement d’Henri-Claude Oyima traduit-il une réalité économique incontournable, ou bien s’agit-il d’un discours politique de circonstance ?
Car entre la volonté de “dire la vérité au peuple” et celle de préparer l’opinion à une cure d’austérité, la frontière est mince.

Le populisme politique consiste justement à dire au peuple ce qu’il veut entendre au bon moment, même si les actes ne suivent pas. Et dans ce cas précis, l’incohérence saute aux yeux : hier, on ouvrait les portes de l’administration pour calmer les frustrations post-transition ; aujourd’hui, on les referme brutalement au nom du réalisme économique.

Cette oscillation entre ouverture et fermeture, promesse et renoncement, n’est rien d’autre qu’un symptôme d’absence de vision à long terme.


Entreprendre ? Oui, mais dans quel pays ?

Le ministre appelle la jeunesse à entreprendre. L’idée est noble, mais le contexte est stérile.
Les jeunes Gabonais manquent moins de courage que de conditions favorables :

Le financement est inaccessible sans garanties bancaires ;

Les marchés publics sont captés par une minorité ;

Les démarches administratives sont un parcours du combattant ;

Et les institutions d’accompagnement sont soit inexistantes, soit inefficaces.

On ne peut pas inviter à “entreprendre” dans un système qui étouffe l’initiative et punit le mérite.
Dans un pays où la réussite repose souvent sur les connexions, pas sur la compétence.


Un petit pays, de grandes contradictions

Comment un pays de deux millions d’habitants peut-il être “trop plein” pour ses propres enfants ?
Si déjà à cette échelle, la fonction publique s’effondre sous son propre poids, que deviendrions-nous si nous étions vingt millions comme le Cameroun ou la Côte d’Ivoire ?L’État serait tout simplement en faillite.
Ce paradoxe révèle que le problème du Gabon n’est pas la démographie, mais la gouvernance : mauvaise répartition des richesses, absence de planification, confusion entre service public et privilège privé.


Changer le logiciel, pas le slogan

Henri-Claude Oyima a raison sur le fond : la fonction publique ne peut pas tout absorber.Mais il a tort sur la forme : on ne peut pas demander aux jeunes d’entreprendre sans leur offrir les outils, les ressources et la confiance nécessaires.Le pays ne manque pas de bras, il manque de volonté politique pour les orienter.

Les discours changent, les ministres passent, les slogans évoluent. Mais la réalité demeure : le Gabon étouffe sous le poids de ses propres contradictions.

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