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Recrutement militaire au Gabon : une réponse au chômage ou un choix contestable ?

Du 20 au 22 décembre 2024, un concours de recrutement dans les Forces de défense et de sécurité sera organisé à Ntoum, dans la province de l’Estuaire. Destiné aux jeunes Gabonais de 18 à 24 ans, cet événement est présenté comme une solution à la crise du chômage qui dépasse les 40 %. Mais en réalité, il reflète une politique sans vision et une militarisation rampante d’une jeunesse qui pourrait encore poursuivre ses études ou s’orienter vers des secteurs économiques civils.

Un âge cible incompréhensible : l’école ou l’armée ?

Pourquoi recruter des jeunes de 18 à 24 ans, un âge où ils devraient encore se former, acquérir des diplômes ou développer des compétences pour intégrer des secteurs porteurs ? En encourageant ces jeunes à abandonner leurs études pour intégrer l’armée, l’État fait preuve d’un manque de vision à long terme. La priorité devrait être de donner à cette jeunesse les moyens d’étudier et de se préparer à relever les défis d’un monde en mutation, plutôt que de les orienter vers un emploi militaire, souvent perçu comme une solution par défaut.

Pire encore, le chômage touche principalement les actifs de 28 ans et plus, qui sont déjà sortis du système éducatif et pour qui les opportunités manquent cruellement. Pourquoi ignorer cette tranche d’âge, véritablement en détresse sur le marché de l’emploi, pour privilégier des jeunes qui pourraient encore être sur les bancs de l’école ? Ce choix révèle une gestion hasardeuse des priorités nationales.

Une militarisation croissante au détriment de l’économie civile

Ce recrutement illustre une militarisation progressive du pays, comme si l’armée était la seule issue pour répondre au désespoir économique. Avec une population de 2 millions d’habitants, le Gabon ne peut pas se permettre de concentrer ses efforts sur un secteur qui n’a pas d’impact direct sur la croissance économique ou la diversification des activités.

Alors que des secteurs comme l’agriculture, le tourisme, les énergies renouvelables ou les industries numériques manquent cruellement de main-d’œuvre qualifiée et d’investissements, l’État continue de renforcer les effectifs militaires. Faut-il comprendre que le gouvernement prépare la jeunesse non pas à bâtir une économie prospère, mais à maintenir l’ordre dans un pays où les frustrations sociales augmentent ?

Une fonction publique saturée, mais pas pour l’armée

L’État avait pourtant affirmé que la fonction publique ne pouvait plus recruter, invoquant une masse salariale excessive. Comment justifier alors ce revirement, qui semble s’appliquer uniquement au secteur militaire ? Ce double discours est une insulte à ceux qui espéraient des réformes pour rendre le marché du travail plus inclusif et équilibré.

De plus, les concours dans le secteur public, et notamment militaire, sont régulièrement critiqués pour leur opacité. Ces recrutements profitent souvent aux enfants des élites, tandis que les jeunes issus de familles modestes sont laissés pour compte. Cette réalité alimente le sentiment d’injustice et renforce l’idée que les opportunités d’emploi au Gabon sont davantage une question de privilège que de compétence.

Ce recrutement dans les Forces de défense n’est pas une réponse au chômage ; c’est un aveu d’échec. En privant une partie de la jeunesse d’un avenir civil et en ignorant les actifs réellement affectés par le chômage, l’État montre qu’il manque de vision et de volonté pour relever les défis structurels du pays.

Il est temps que le Gabon arrête de traiter sa jeunesse comme une variable d’ajustement et commence à investir sérieusement dans des politiques inclusives, éducatives et économiques. Le futur du pays ne peut pas reposer sur des armes, mais sur des cerveaux formés, des compétences diversifiées et une économie résolument tournée vers l’innovation et la durabilité.

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