Faire de la politique pour réussir : le piège d’un modèle gabonais à bout de souffle

Par la rédaction de Gabonactu24
Au Gabon, la réussite semble avoir une seule voie : la politique. Derrière ce constat se cache une réalité profondément inquiétante, révélatrice d’un système verrouillé où le mérite, l’innovation et le travail sont souvent relégués au second plan. Faire de la politique n’est plus un engagement idéologique ou civique, mais une stratégie sociale. Une course à l’influence, où le fauteuil vaut plus que la vision.
Quand la politique absorbe tout
Dans l’imaginaire collectif gabonais, être “dans les affaires”, c’est être dans le système. Et ce système est politique par essence. Ministères, agences publiques, préfectures, collectivités : tous les postes considérés comme “rentables” sont directement ou indirectement liés au pouvoir. Les appels à l’entrepreneuriat, à l’innovation ou à l’autonomisation restent des slogans creux si, dans la réalité, l’accès aux financements, aux autorisations ou aux marchés dépend d’un carnet d’adresses politiques.
Cette monopolisation de l’espace économique et social par le champ politique crée un déséquilibre structurel : l’État devient le seul ascenseur social fiable, et ceux qui n’ont pas le bon “réseau” sont exclus de la dynamique.
Une jeunesse piégée par le cynisme
Conscients de ce verrouillage, de nombreux jeunes gabonais n’y voient plus d’alternative. La politique est devenue un raccourci vers une vie confortable, souvent sans efforts réels. Il ne s’agit plus d’idées, de débats ou d’engagement, mais de recherche de position, de titres honorifiques et d’avantages matériels. Le drapeau partisan devient une carte de visite, non une conviction.
Ce glissement vers le carriérisme politicien alimente une culture de la ruse, du clientélisme et du “système D”. On milite non par idéal, mais par calcul. On s’engage non pour servir, mais pour se servir. Résultat : la classe politique se renouvelle peu, les idées stagnent, et le cynisme prospère.
Une société en otage
Cette dépendance à la politique asphyxie l’ensemble de la société gabonaise. L’université perd ses talents, l’artisanat et l’agriculture sont désertés, la recherche est négligée, et l’entrepreneuriat est marginalisé. Pourquoi se battre pour créer une entreprise quand une nomination ministérielle peut changer une vie en une nuit ? Pourquoi innover quand un poste de conseiller politique assure un 4×4, des perdiems, et un statut social enviable ?
Pire encore, cette logique installe une perception perverse : sans politique, point de réussite. Sans compromission, pas d’avenir. Et le message implicite envoyé à la jeunesse est dramatique : le mérite est inutile, seul compte le positionnement.
Une responsabilité collective
Ce modèle n’est pas une fatalité, mais le fruit d’un système toléré, voire encouragé, par une élite politique, administrative et économique. Les discours sur le changement resteront vains tant que la promotion sociale ne sera pas fondée sur la compétence, l’effort et l’éthique.
Il est urgent de désacraliser la politique comme unique voie de réussite. Cela passe par une réforme profonde des politiques publiques, une vraie autonomie des institutions économiques, une valorisation réelle de l’entrepreneuriat, de la recherche, de la culture, de l’agriculture, et une refonte des concours publics.