Gabon : démissions en cascade au PDG, entre rupture symbolique et repositionnement politique

Libreville, 11 mai 2025 | Gabonactu24.com
Le Parti Démocratique Gabonais (PDG), longtemps incarnation du pouvoir centralisé sous les Bongo, vacille sous le poids des défections. Depuis l’élection présidentielle du 12 avril 2025, remportée par Brice Clotaire Oligui Nguema, plusieurs figures de l’ancien parti majoritaire quittent le navire, évoquant la volonté de “répondre à l’appel du peuple” ou de “se mettre au service de la République”. Mais derrière les formules républicaines, ces départs interrogent : s’agit-il d’un sursaut de lucidité politique ou d’un calcul électoral ?
La symbolique est forte. Fondé en 1968 par Omar Bongo, le PDG fut pendant plus de cinq décennies la structure centrale du pouvoir politique au Gabon. Doté d’un ancrage territorial solide et d’une emprise sur les institutions, il a longtemps su résister à toutes les secousses du multipartisme. Mais le coup d’État militaire du 30 août 2023, qui a évincé Ali Bongo Ondimba, a ouvert une période de transition qui redistribue les cartes.
Un parti affaibli, des départs stratégiques
En mars 2025, le PDG a annoncé, contre toute attente, qu’il ne présenterait pas de candidat à la présidentielle. Une décision inédite, vécue par beaucoup comme l’aveu d’une perte d’influence politique. Ce retrait du jeu présidentiel a fragilisé davantage un parti déjà affaibli par des dissensions internes, une image ternie par des scandales de corruption et une usure du pouvoir après un demi-siècle de gouvernance continue.
Depuis, les démissions se multiplient. Des cadres régionaux, notamment dans le Woleu-Ntem, ont claqué la porte, affirmant leur soutien au président de la Transition. Ces prises de distance suscitent une double lecture. Pour certains observateurs, elles témoignent d’une volonté sincère de rupture avec un passé politique controversé. Pour d’autres, elles relèvent d’un opportunisme classique, dans la perspective des élections législatives et municipales prévues en août prochain.
Entre courage politique et réflexe de survie
« Il faut du courage pour quitter un parti aussi puissant, surtout quand on en a longtemps profité », estime un analyste politique basé à Libreville. Mais ce courage est-il réellement l’élément moteur de ces départs ? Beaucoup rappellent que la plupart des démissionnaires n’ont pas remis en cause les pratiques de leur ancien parti lorsqu’ils y occupaient des postes à responsabilité. Leur volonté de “rompre avec le passé” semble surtout s’activer à l’approche d’une redistribution du pouvoir.
Dans un contexte où la Transition cherche à instaurer un nouveau contrat politique, ces ralliements discrets ou bruyants au régime en place pourraient répondre à une logique de préservation de carrière. Quitter le PDG, devenu impopulaire, permettrait ainsi de se “réhabiliter” politiquement sans nécessairement faire acte de contrition.
Une recomposition qui brouille les lignes
Le soutien officiel du PDG à la candidature d’Oligui Nguema, annoncé en mars, témoigne lui aussi d’un certain flou stratégique. Loin d’assumer une posture d’opposition, le parti semble osciller entre neutralité feinte et volonté d’alignement. Une attitude qui renforce l’idée d’un repositionnement plus que d’une refondation idéologique.
Dans les faits, la recomposition du champ politique gabonais se fait jusqu’ici sans renouvellement profond des acteurs. Ce sont les mêmes figures, issues du système ancien, qui cherchent à intégrer les nouvelles dynamiques. Le risque est alors grand de voir émerger non pas une rupture politique, mais une continuité déguisée.
Une transition sous surveillance
À quelques mois des prochaines échéances électorales, la dynamique des démissions au PDG pose une question essentielle à la transition gabonaise : la refondation politique annoncée permettra-t-elle une réelle alternance, ou reconduira-t-elle des pratiques anciennes sous de nouveaux visages ?
Dans une République qui se veut désormais tournée vers la transparence et la redevabilité, les électeurs seront attentifs aux trajectoires individuelles et collectives. Les gestes de rupture, pour être crédibles, devront s’accompagner d’actes concrets et de discours assumés. Quitter un parti ne suffit plus : il faut aussi rompre avec ses méthodes.