Gabon : Coup de massue à La Haye, la CIJ attribue les îles Mbanié, Cocotiers et Conga à la Guinée équatoriale

La sentence est tombée. En ce 19 mai 2025, la Cour internationale de justice (CIJ) a tranché en faveur de la Guinée équatoriale dans le différend frontalier qui l’opposait au Gabon depuis plus de cinq décennies. Le verdict est sans appel : les trois îles contestées Mbanié, Cocotiers et Conga reviennent officiellement à Malabo. Une décision lourde de conséquences géopolitiques, économiques et symboliques pour Libreville.
Une défaite stratégique et diplomatique
Mbanié, cette petite île d’une trentaine d’hectares située dans la baie de Corisco, ainsi que ses voisines Cocotiers et Conga, étaient jusqu’alors administrées de fait par le Gabon. Mais derrière leur apparente insignifiance territoriale se cache un enjeu de taille : leur emplacement stratégique et leur potentiel en hydrocarbures. En perdant ces îlots, le Gabon se voit privé d’un pan de souveraineté maritime, mais aussi d’une perspective d’exploitation énergétique future.
L’argument central du Gabon reposait sur une convention signée à Bata en 1974. Pourtant, l’absence de l’original du document remplacé par une simple photocopie non authentifiée a lourdement pesé dans la balance. Pour la CIJ, il était impossible d’accorder une valeur juridique déterminante à un document dont ni l’authenticité ni la traçabilité n’ont pu être garanties. C’est une véritable faillite archivistique et diplomatique que révèle cette affaire.
L’échec d’un État face à ses responsabilités
Ce jugement met à nu les défaillances chroniques de la diplomatie gabonaise, minée par des décennies de gestion approximative, d’amateurisme et d’archivage défaillant. Comment expliquer qu’un différend frontalier aussi sensible n’ait pas été anticipé avec plus de rigueur ? Comment admettre qu’un État n’ait pas été en mesure de produire, en 2025, les preuves authentifiées de ses droits territoriaux ?
Plus grave encore, cette perte territoriale intervient dans un contexte de reconstruction nationale post-transition, alors que le Gabon tente de restaurer sa crédibilité sur la scène internationale. Le contraste est cruel entre l’ambition affichée de renouveau institutionnel et la réalité d’une administration étranglée par les failles du passé.
Une décision irréversible, un sentiment d’humiliation
La défaite est d’autant plus cuisante qu’elle survient au terme d’une procédure voulue par les deux parties. En 2016, Libreville et Malabo avaient volontairement saisi la CIJ pour clore cette querelle coloniale. Mais la confiance accordée au droit international se transforme aujourd’hui en regret amer pour les autorités gabonaises.
Pour de nombreux citoyens et observateurs, ce revers diplomatique est perçu comme un véritable affront national. Il soulève des interrogations sur la compétence des anciens responsables politiques et juridiques du pays, notamment ceux qui ont dirigé les délégations successives devant la CIJ. Le silence embarrassé des hautes autorités depuis l’annonce du verdict en dit long sur la stupeur générale.
Quelle suite pour Libreville ?
Le Gabon doit désormais tirer toutes les leçons de cette débâcle. Cela commence par un audit rigoureux de sa politique diplomatique, de la gestion de ses archives nationales, mais aussi de la formation de ses élites en droit international. La perte de Mbanié et des deux îlots ne saurait être un simple épisode à oublier. Elle doit devenir un électrochoc institutionnel.