SOCIETE

GABON – SÉCURITÉ CITOYENNE : À Libreville, les jeunes du PK11 suppléent un État en retrait

Par la rédaction de Gabonactu24
Libreville, le 13 juin 2025

Dans le quartier PK11, en périphérie nord de Libreville, une initiative citoyenne interroge sur l’état de la gouvernance sécuritaire au Gabon. Livrés à eux-mêmes face à la recrudescence de l’insécurité, des jeunes du quartier ont pris la décision d’assurer eux-mêmes la protection de leur communauté. Une réponse concrète et audacieuse à ce qu’ils perçoivent comme une forme de démission de l’État.

« Le quartier était stigmatisé comme une zone rouge. Nous voulons qu’il devienne une zone blanche. »

Ce propos, tenu par l’un des jeunes organisateurs, résume la volonté d’un collectif d’habitants de restaurer l’ordre et la tranquillité dans un environnement trop souvent associé à la violence, aux braquages et à la peur.

Une sécurité informelle née du vide institutionnel

Dans un pays où les forces de l’ordre peinent à couvrir l’ensemble du territoire urbain, le sentiment d’abandon est palpable. Malgré les discours officiels sur le renforcement de la police de proximité ou la relance des patrouilles pédestres, aucune présence effective n’est observée dans de nombreux quartiers populaires.

C’est dans ce contexte que les jeunes du PK11 ont décidé de s’organiser. Vêtus de gilets fluorescents, ils assurent des rondes, assistent les passants, sécurisent les arrêts de taxi et veillent de nuit. L’objectif est simple : réduire les risques, dissuader les délinquants et rassurer les habitants.

Le succès est visible. Selon plusieurs témoignages, les agressions ont considérablement diminué depuis le début de l’initiative. Mais derrière cette réussite se cache une réalité préoccupante : la normalisation d’une sécurité sans État.

La jeunesse au cœur du paradoxe gabonais

Les acteurs de cette initiative sont en grande majorité des jeunes déscolarisés ou sans emploi stable. Dans un pays dont le PIB par habitant figure parmi les plus élevés d’Afrique centrale, leur situation symbolise le paradoxe d’une richesse mal redistribuée.

Faute de perspectives économiques, ces jeunes ont choisi de ne pas sombrer dans la délinquance, mais de trouver dans la solidarité communautaire un sens et un rôle social. Leur engagement sécuritaire devient aussi une stratégie de survie : en sécurisant les arrêts de transport, certains gagnent quelques pièces pour assurer leur subsistance.

« Quand on a de quoi manger, on ne vole pas. On ne braque pas. On se rend utile », confie l’un d’eux.

Ce discours, empreint de dignité et de lucidité, met en lumière une jeunesse responsable mais abandonnée, qui pallie à la fois le déficit sécuritaire et l’absence de politiques sociales ambitieuses.

Une faille systémique, un risque politique

Si l’initiative du PK11 a suscité l’admiration de certains habitants et l’attention des réseaux sociaux, elle soulève aussi des interrogations légitimes sur la place de l’État dans les périphéries urbaines. La sécurité, au même titre que la justice ou l’éducation, est une mission régalienne. Son transfert – même de manière informelle – à des collectifs de citoyens, ouvre la porte à des dérives potentielles : justice parallèle, autoritarisme local, règlements de comptes.

Plus encore, cette dynamique met en péril la légitimité même de l’État, qui, en se désengageant, se décrédibilise auprès des populations. Lorsqu’un citoyen lambda devient plus efficace qu’un commissariat, c’est toute l’architecture de l’autorité publique qui vacille.

Un cri d’alerte lancé depuis les marges

Ce qui se joue à PK11 n’est pas un simple fait divers, ni un exemple folklorique d’auto-défense urbaine. C’est un révélateur structurel, une alerte venue des marges géographiques et sociales du pays. Elle rappelle que les solutions de fortune, aussi vertueuses soient-elles, ne peuvent durablement remplacer des politiques publiques structurées.

Le gouvernement, s’il veut répondre à ces défis, ne peut se contenter d’annoncer des réformes. Il doit investir concrètement dans la sécurité de proximité, l’insertion des jeunes, la présence de l’État dans tous les territoires. Car une République qui délègue l’ordre public aux plus démunis s’éloigne dangereusement de ses fondements.

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