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Cour constitutionnelle : Aba’a Owono, la continuité d’un système plus que la rupture promise

L’élection de Dieudonné Aba’a Owono à la tête de la Cour constitutionnelle du Gabon, pour un mandat unique de huit ans, se voulait un acte fondateur de la période post-transition. Dans les faits, elle soulève davantage de doutes que d’espoirs, tant elle donne le sentiment d’une continuité assumée avec des pratiques que la transition prétendait précisément dépasser.


Élu à l’unanimité par ses pairs, Aba’a Owono incarne officiellement la stabilité institutionnelle. Mais cette unanimité, loin de rassurer, interroge. Dans un pays marqué par une justice constitutionnelle longtemps perçue comme inféodée au pouvoir exécutif, l’absence totale de dissensus ressemble moins à un consensus vertueux qu’à une validation interne sans débat, dans un cercle institutionnel historiquement fermé.


La succession de Marie-Madeleine Mborantsuo, figure centrale et controversée de l’ère Bongo, était attendue comme une rupture nette. Or, le choix d’un homme déjà président de la Cour constitutionnelle de Transition depuis 2023 brouille le message. La promesse d’un renouveau se heurte ici à une réalité plus prosaïque : les mêmes trajectoires, les mêmes réseaux, les mêmes méthodes, simplement réhabillées par le vocabulaire de la transition.


Le cœur du malaise est ailleurs : la question de l’indépendance réelle de la Cour. Aba’a Owono hérite d’une institution appelée à arbitrer les élections, à valider les résultats, à trancher les contentieux les plus sensibles de la vie politique gabonaise. Or, dans l’imaginaire collectif, la Cour constitutionnelle reste associée à des décisions systématiquement favorables au pouvoir en place, souvent au mépris du doute démocratique. Cette mémoire institutionnelle pèse lourd, et aucun serment, aussi solennel soit-il, ne saurait l’effacer à lui seul.


Les réactions citoyennes, notamment sur les réseaux sociaux et dans les espaces de commentaires, traduisent une méfiance persistante. Accusations de népotisme, soupçons de partialité, rappels des dérives passées : le procès de la Cour est déjà ouvert dans l’opinion. Et c’est là un échec en soi. Une juridiction constitutionnelle crédible ne devrait pas commencer son mandat sous le sceau du soupçon.


Le mandat de huit ans, long et non renouvelable, confère à Aba’a Owono un pouvoir considérable. Il peut soit marquer l’histoire par une refondation courageuse de la justice constitutionnelle, soit confirmer, par l’inaction ou la complaisance, que la transition n’a été qu’un changement de façade, sans réforme profonde de l’État de droit.


Le Gabon n’attend plus des symboles. Il attend des actes, des décisions audacieuses, une jurisprudence indépendante, capable de résister aux pressions politiques. À défaut, la Cour constitutionnelle restera ce qu’elle a trop souvent été : non pas l’arbitre suprême de la démocratie, mais l’un de ses instruments les plus contestés.

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