Célestin Ydiata Mayombo : “J’avais prévenu que le Gabon était au bord du précipice”

Alors que le Gabon se prépare à célébrer le premier anniversaire du coup de la Libération du 30 août 2023, Gabonactu24 a rencontré Célestin Ydiata Mayombo, ancien membre du Comité central du Parti Démocratique Gabonais (PDG) pour le département de l’Ogoulou, 1er siège. Connu pour son audio devenu viral dans lequel il dénonçait avec véhémence les dérives du PDG et appelait à un changement radical, Mayombo revient sur les événements qui ont conduit à l’intervention militaire et partage ses réflexions, ses émotions, et ses espoirs un an après ce tournant historique.

Gabonactu24 : Monsieur Mayombo, à l’approche du premier anniversaire du coup de la Libération, comment ressentez-vous cette période marquante de l’histoire du Gabon ?

Célestin Ydiata Mayombo : En repensant à cette période, je ressens un mélange de soulagement, de frustration, et de responsabilité. Soulagement, parce que le Gabon a évité une dérive qui aurait pu avoir des conséquences désastreuses. Frustration, parce que les avertissements que j’avais lancés, notamment dans cet audio qui a circulé largement sur les réseaux sociaux, ont été ignorés par ceux qui auraient pu agir pour éviter cette situation. Il y a aussi un fort sentiment de responsabilité, car j’avais la conviction profonde que si personne ne disait rien, le Gabon sombrerait. Mon intervention publique était un acte de conscience, un cri d’alarme pour éveiller les esprits et, espérons-le, inciter à l’action avant qu’il ne soit trop tard.

Gabonactu24 : Votre audio, dans lequel vous dénonciez les dérives du PDG et appeliez à voter pour l’opposition, a fait l’effet d’une bombe. Qu’est-ce qui vous a poussé à franchir ce pas ?

Célestin Ydiata Mayombo : Le Gabon était dans une situation critique, et en tant que leader, je ne pouvais plus rester silencieux. J’ai vu le PDG, mon propre parti, s’enliser dans des pratiques que je ne pouvais plus tolérer : la corruption généralisée, le népotisme, et une incapacité flagrante à répondre aux besoins du peuple. J’ai pris conscience que le parti n’était plus capable de mener le Gabon vers un avenir prospère. Je savais que mes paroles seraient perçues comme une trahison, mais je devais choisir entre la loyauté envers un parti en déclin ou la loyauté envers mon pays. J’ai choisi le Gabon, et c’est ce qui m’a poussé à appeler publiquement au changement, en encourageant les électeurs à soutenir l’opposition, en particulier Albert Ondo Ossa, qui représentait pour moi une alternative crédible et nécessaire.

Gabonactu24 : Votre prise de position a eu des répercussions, notamment au sein du PDG. Comment avez-vous vécu cela et quelles en ont été les conséquences pour vous ?

Célestin Ydiata Mayombo : Ce sont en réalité un groupuscule de responsables politiques du département de l’Ogoulou et de la province de la Ngounié qui s’étaient déjà assis pour sceller mon sort, tant sur le plan politique que sur le plan social. Bien que je n’aie pas été formellement exclu du PDG, cette situation m’a isolé politiquement, mais elle m’a aussi libéré de certaines contraintes. J’ai perdu des soutiens au sein du parti, mais j’ai gagné le respect de nombreux Gabonais qui partageaient mon analyse de la situation. Aujourd’hui, je suis en paix avec moi-même parce que j’ai agi selon mes convictions. Le prix à payer a été élevé, mais je suis convaincu que j’ai fait ce qu’il fallait pour mon pays.

Gabonactu24 : Le coup de la Libération est souvent perçu comme un acte de force nécessaire. Quelle est votre analyse du rôle des militaires dans cet événement ?

Célestin Ydiata Mayombo : Les militaires ont pris une décision difficile mais inévitable. Le Gabon était au bord du précipice, et l’intervention militaire a été le dernier rempart contre un chaos total. Leur action a été un acte de patriotisme. Ils ont compris que le régime en place n’était plus capable d’assurer la stabilité et la sécurité du pays. Certains peuvent critiquer cette intervention en la qualifiant d’antidémocratique, mais il est essentiel de replacer les événements dans leur contexte. Le régime Bongo avait perdu toute légitimité, et le pays était en train de sombrer dans une crise profonde. L’intervention des militaires a permis de stabiliser la situation et de donner au Gabon une chance de se réinventer. Leur action n’était pas motivée par la soif de pouvoir, mais par la volonté de protéger le Gabon.

Gabonactu24 : Un an après, quel est votre bilan personnel et politique de ces événements ? Comment voyez-vous l’avenir du Gabon ?

Célestin Ydiata Mayombo : Un an plus tard, je pense que le Gabon est à un moment décisif de son histoire. Le coup de la Libération a ouvert une fenêtre d’opportunité pour un renouveau démocratique et institutionnel. Mais cette opportunité doit être saisie pleinement. Il ne suffit pas de changer de dirigeants, il faut aussi changer de mentalités et de pratiques. Nous devons bâtir un Gabon où la transparence, l’intégrité et la justice sont les piliers de la gouvernance. Personnellement, je reste déterminé à jouer un rôle dans cette reconstruction. Mon engagement pour un Gabon meilleur est plus fort que jamais. Je pense que nous avons appris de nos erreurs, et que nous pouvons désormais construire un avenir plus juste et plus prospère pour tous.

Gabonactu24 : Pour conclure, quel message souhaitez-vous transmettre aux Gabonais à l’approche de cet anniversaire ?

Célestin Ydiata Mayombo : Mon message aux Gabonais est simple : ne baissons jamais les bras. Le coup de la Libération a montré que le changement est possible, même dans les moments les plus sombres. Mais ce changement doit être nourri et protégé par chacun d’entre nous. Nous avons la responsabilité de construire un Gabon où chacun peut vivre dignement, en paix et en sécurité. Un Gabon où la voix du peuple est respectée et où les dirigeants sont au service de la nation. Restons unis, restons vigilants, et continuons à travailler ensemble pour faire du Gabon un modèle de justice et de prospérité en Afrique. L’avenir du Gabon est entre nos mains, et c’est à nous de décider de la direction que nous voulons prendre.