Yannick Ndong Mba : “Je n’ai pas trahi le combat, j’ai choisi de servir le Gabon autrement”

C’est dans un bureau élégant et empreint de sobriété, au cœur de Libreville, que Yannick Ndong Mba nous reçoit. Enseignant expérimenté et investisseur immobilier au Canada depuis près de dix ans, il est également petit-fils de Jean Marie Aubame, figure historique de l’opposition gabonaise. De retour temporairement au Gabon, il a décidé d’accompagner la transition politique aux côtés du président, non pas en tant que conseiller officiel, mais en tant que proche collaborateur. Son choix, perçu par certains comme une trahison, a suscité de vives réactions au sein de l’opinion publique et parmi ses anciens compagnons de lutte. Dans cet entretien exclusif accordé à Gabonactu24, Yannick Ndong Mba s’exprime avec clarté et professionnalisme sur ses motivations, son parcours et ses ambitions pour l’avenir du Gabon.
Gabonactu24 : Vos anciens compagnons de lutte vous accusent de “trahison” depuis votre ralliement à l’équipe du président de la transition. Que leur répondez-vous ?
Yannick Ndong Mba :
Je comprends leur déception, mais je ne suis pas responsable de leur incompréhension. Mon engagement a toujours été dicté par l’intérêt supérieur du Gabon. Accuser quelqu’un de trahison est un raccourci facile, mais cela traduit surtout une méconnaissance des enjeux actuels. Nous n’étions liés par aucun contrat sinon par la même ligne de combat pour un Gabon libre et démocratique.
J’ai informé mes amis et collègues de ma volonté de suivre le changement, les invitant à discuter de l’avenir du pays en toute transparence. Aucun n’a répondu. Mon objectif reste inchangé : contribuer à un Gabon réconcilié, prospère et démocratique. La vraie trahison serait de rester dans une opposition stérile sans proposer de solutions concrètes.
Gabonactu24 : Certains pensent que votre retour au Gabon est motivé par des intérêts personnels. Que répondez-vous à ces allégations ?
Yannick Ndong Mba :
Je trouve ces accusations profondément injustes. J’ai quitté le Gabon pour le Canada à 40 ans, sans soutien ni réseau, et j’ai tout reconstruit de zéro. Au Canada, j’ai acquis une stabilité professionnelle en tant qu’enseignant et j’ai développé des activités dans l’investissement immobilier. Mon retour n’est motivé ni par l’opportunisme ni par des intérêts personnels mais par un sentiment profond de devoir envers mon pays.
Le Gabon traverse une période historique où chaque compétence compte. Ceux qui me connaissent savent que je n’ai jamais cherché à m’enrichir ni à me positionner politiquement par intérêt. Mon engagement est d’abord et avant tout patriotique.
Gabonactu24 : Vous avez longtemps été un farouche opposant au régime précédent. Pourquoi ce changement d’approche ?
Yannick Ndong Mba :
Il ne s’agit pas d’un changement d’approche mais d’une évolution naturelle. Mon opposition n’a jamais été dirigée contre des individus mais contre un système corrompu et autoritaire. Aujourd’hui, ce système est tombé et nous avons l’opportunité historique de refonder le Gabon sur des bases saines.
S’enfermer dans une opposition systématique reviendrait à condamner le pays à l’immobilisme. J’ai toujours cru au changement, mais il fallait une vision claire et des garanties. La transition actuelle semble offrir ces garanties. Mon engagement dans cette transition n’est pas une trahison mais une continuité logique de mon combat pour un Gabon libre et démocratique.
Gabonactu24 : Quels enseignements tirez-vous de votre expérience de dix ans au Canada et que souhaitez-vous appliquer au Gabon ?
Yannick Ndong Mba :
Le Canada m’a enseigné la valeur de la transparence, de l’intégrité et de la méritocratie. Là-bas, les postes de responsabilité sont attribués en fonction des compétences et non des relations. Cette culture de l’efficacité et de l’excellence m’a profondément marqué.
Au Gabon, nous devons rompre avec le clientélisme et les pratiques opaques qui freinent notre développement. Il est impératif de bâtir des institutions fortes et transparentes, capables de garantir une gouvernance saine et efficace. J’ai également appris que le dialogue et le compromis sont les piliers de toute société démocratique. Nous devons fédérer toutes les compétences et les énergies autour d’un projet national ambitieux et inclusif.
Gabonactu24 : L’élection présidentielle approche. Quelle est votre vision pour ces élections et quel rôle comptez-vous y jouer ?
Yannick Ndong Mba :
Ces élections seront cruciales pour l’avenir du Gabon. Toute la crédibilité de la transition se jouera sur sa capacité à organiser des élections libres, transparentes et inclusives. Mon rôle, en tant que proche collaborateur du président de la transition, est de veiller à ce que les réformes entreprises garantissent un processus électoral exemplaire.
Cela implique de renforcer les institutions électorales, d’assurer la sécurité du processus et de garantir une égalité de traitement pour tous les candidats. Les résultats doivent être respectés sans ambiguïté. Nous devons tout mettre en œuvre pour éviter les erreurs du passé et faire de ces élections une référence en Afrique centrale.
Gabonactu24 : Quels sont, selon vous, les principaux défis pour la réussite de cette transition ?
Yannick Ndong Mba :
Les défis sont nombreux mais trois priorités s’imposent :
- La Réconciliation Nationale :
Il est urgent de dépasser les divisions et d’organiser un dialogue national inclusif et sincère. Le pays a besoin d’unité pour aller de l’avant. - La Réforme des Institutions :
Nos institutions doivent être réformées en profondeur pour garantir leur indépendance et leur crédibilité. Cela implique de revoir la Constitution et d’assurer l’indépendance de la justice et des organes de contrôle. - La Relance Économique :
La diversification de l’économie est indispensable pour sortir de la dépendance au pétrole. Le Gabon doit investir dans l’agriculture, le tourisme et les nouvelles technologies tout en luttant activement contre la corruption.
Gabonactu24 : Un dernier message pour ceux qui vous accusent de trahison ?
Yannick Ndong Mba :
Je les invite à juger sur pièces plutôt que sur des préjugés. Le Gabon traverse une période historique où l’immobilisme est synonyme d’échec. La vraie trahison serait de rester dans la posture sans rien proposer de constructif.
Je comprends les interrogations mais je leur demande de laisser le temps au temps et de juger cette transition sur ses actes. Mon engagement est sincère et désintéressé. J’ai choisi d’agir car le Gabon a besoin d’actions concrètes et non de slogans. À ceux qui doutent encore, je dis : donnons une chance à ce processus de transition.
Propos recueillis par Gabonactu24