Présidentielle 2025 : Bilie-By-Nze, prisonnier d’une image forgée par le système qu’il voulait dépasser

Il était sans doute l’un des candidats les plus expérimentés de cette présidentielle historique. Et pourtant, Alain-Claude Bilie-By-Nze n’aura pas résisté à la dynamique implacable d’une opinion publique en quête de rupture totale. Battu sans appel par le président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, l’ancien Premier ministre paye, bien plus qu’un bilan personnel, la charge symbolique d’un système dont il fut longtemps la voix.
L’image d’un homme du pouvoir, indélébile malgré la volonté de se démarquer
Ministre plusieurs fois, chef du gouvernement jusqu’en 2023, Bilie-By-Nze a été pendant plus d’une décennie l’un des visages les plus visibles de l’exécutif gabonais. Porte-parole du régime, homme de dossiers, stratège politique redouté, il a souvent été perçu comme la pièce maîtresse de la communication présidentielle sous Ali Bongo Ondimba. Dans un pays marqué par une demande pressante de renouvellement, cette proximité prolongée avec l’ancien pouvoir lui a collé à la peau, bien au-delà de ses intentions.
Sa volonté de rompre, portée par la création de son propre mouvement politique, Ensemble pour le Gabon, n’a pas suffi. Dans l’imaginaire collectif, il était déjà catalogué : représentant naturel d’un ordre politique que la majorité des électeurs voulait effacer.
Un rejet plus politique que personnel
La campagne d’Alain-Claude Bilie-By-Nze a été structurée, posée, digne. À aucun moment, il ne s’est livré à l’outrance ou à la démagogie. Pourtant, sur le terrain, l’hostilité a été palpable. À Mitzic comme à Oyem, à Libreville comme à Mouila, le ressentiment populaire a pris le pas sur l’écoute. Peu importe les propositions, peu importe le ton. Le jugement était déjà rendu : il incarnait le passé.
En cela, la défaite de Bilie-By-Nze ne relève pas d’un simple échec électoral, mais d’une condamnation politique rendue par une opinion qui n’a pas voulu faire de distinction entre le rouage et le système. Là où d’autres anciens dignitaires du PDG ont su se faire oublier ou se repositionner discrètement, lui a payé, frontalement, son exposition.
Un moment politique verrouillé par la logique de rupture
Dans un contexte post-coup d’État, où le général Oligui Nguema bénéficiait à la fois de la puissance de l’appareil d’État et de la légitimité accordée par la rue, les marges étaient étroites pour toute candidature perçue comme issue du sérail. Bilie-By-Nze a tenté de se frayer un chemin en misant sur la raison, la compétence, l’expérience.
Mais ce scrutin n’a pas été celui des projets rationnels. Il fut dominé par l’émotion collective, la mémoire blessée, et la volonté d’évacuer toute trace de l’ancien régime. Dans ce cadre, même une candidature modérée apparaissait comme provocatrice.
Leçons d’un revers
La trajectoire politique d’Alain-Claude Bilie-By-Nze ne peut être réduite à ce revers électoral. Il reste une figure de poids, une personnalité respectée sur le plan institutionnel, un acteur du jeu politique gabonais contemporain. Mais son cas illustre une vérité cruelle de la démocratie post-transition : le talent individuel ne suffit pas quand la symbolique collective l’emporte.
Son erreur n’a peut-être pas été dans son discours, mais dans son timing. Il a tenté de se faire entendre dans un moment où l’opinion refusait d’écouter.