Gabon : Plus de 200 docteurs abandonnés par l’État, un gâchis national qui interpelle

Malgré les discours officiels prônant la modernisation de l’enseignement supérieur, la réalité du terrain révèle un profond malaise.Plus de 200 jeunes Gabonais titulaires d’un doctorat, formés localement et à l’étranger au prix d’immenses sacrifices, vivent aujourd’hui une situation de chômage inacceptable.Écartés du système universitaire et ignorés par l’administration publique, ils dénoncent un processus de recrutement opaque, injuste, et une indifférence institutionnelle inquiétante.
Entre promesses politiques et trahison de l’excellence
En 2024, sous couvert d’une réforme ambitieuse, une campagne de recrutement des enseignants-chercheurs et chercheurs a été initiée.Sur le papier, l’opération visait à renforcer les effectifs des universités et instituts de recherche, confrontés à une pénurie chronique de compétences.Dans les faits, c’est un fiasco administratif : résultats jamais publiés, dossiers égarés, disparités criantes dans la sélection des candidats.
Pourtant, à travers notes et arrêtés ministériels, tout semblait balisé pour garantir l’équité.Mais neuf mois plus tard, ces jeunes docteurs, qui devraient être une force pour le pays, se retrouvent cantonnés à des vacations précaires, quand ils ne sont pas purement et simplement oubliés.
Quand des docteurs deviennent chauffeurs de taxi ou soldats par nécessité
Face à cette impasse, nombreux sont ces jeunes docteurs qui, faute d’alternative, se résignent à exercer des métiers sans aucun rapport avec leurs qualifications.Certains, pour survivre, conduisent des Taxi-Gab dans les rues de Libreville, d’autres rejoignent l’armée, non par vocation, mais par nécessité.D’autres encore enchaînent des petits boulots précaires, loin de la carrière universitaire ou administrative qu’ils espéraient.
Dans un silence pesant, les voix s’élèvent.À l’instar de ce docteur en droit public, âgé de 32 ans, contraint aujourd’hui de faire du transport urbain pour subvenir à ses besoins :
« Je n’ai pas fait huit ans d’études, sacrifié ma jeunesse, supporté la précarité à l’étranger pour revenir conduire un Taxi-Gab. Chaque jour, je vois mes camarades errer entre petits boulots et désespoir. Pendant ce temps, les établissements manquent de cadres et l’administration recrute sans transparence. Nous sommes la preuve vivante que l’excellence n’est pas récompensée dans notre pays. »
Un cri du cœur glaçant, reflet d’une génération sacrifiée.
Une administration prisonnière de ses vieilles pratiques
La situation actuelle est révélatrice d’un mal plus profond :un système où le mérite compte moins que l’appartenance, où la compétence est sacrifiée sur l’autel du clientélisme.Priorisation de profils sans doctorat, traitement arbitraire des dossiers, favoritisme latent : les témoignages recueillis dressent le portrait d’une administration publique incapable d’assumer ses propres critères d’excellence.
À cela s’ajoute un silence pesant des autorités de tutelle, malgré les six courriers adressés à différents niveaux de l’État.Ce mutisme, loin d’apaiser les esprits, alimente la frustration et décrédibilise la parole publique.