SOCIETE

Liberté de la presse au Gabon : la convocation du directeur de GMT ravive les inquiétudes sur l’effectivité de la dépénalisation du délit de presse

Par la Rédaction – Gabonactu24.com

La récente convocation du directeur de publication de Gabon Média Time (GMT), survenue ce mercredi 4 juin 2025 à Libreville, illustre une nouvelle fois le décalage persistant entre les textes de loi et leur application effective au Gabon. Alors que la dépénalisation du délit de presse est inscrite dans le droit positif gabonais depuis 2018, la réalité semble, elle, résolument ancrée dans une logique punitive, digne d’un autre temps.

En cause : la publication par erreur d’une photographie jugée inappropriée dans un article du site GMT. L’image en question a pourtant été retirée rapidement, dès sa mise en ligne signalée comme une maladresse rédactionnelle. Une correction diligente et transparente, qui aurait dû suffire à clore l’incident. Mais c’est bien une convocation par la gendarmerie de l’aéroport de Libreville qui a été adressée au journaliste, comme si l’on cherchait davantage à sanctionner qu’à dialoguer.

L’OPAM monte au créneau : entre indignation et rappel à la loi

Face à ce nouvel épisode, l’Organisation patronale des médias du Gabon (OPAM) a publié un communiqué ferme, dénonçant une « violation manifeste » de l’Ordonnance n°00012/PR/2018 du 23 février 2018, texte fondamental consacrant la dépénalisation du délit de presse au Gabon. Une dépénalisation qui, selon l’OPAM, n’est ni « une faveur », ni « une tolérance administrative », mais bien un acquis légal et démocratique.

Jean-Yves Ntoutoume, président de l’organisation, interpelle directement les ministères de la Justice, de l’Intérieur et de la Défense, les exhortant à mettre fin à la criminalisation rampante du métier de journaliste. Dans une déclaration sans ambiguïté, il accuse : « L’instrumentalisation du pénal contre la presse doit cesser. »

Un climat délétère pour la presse : la Cinquième République mise à l’épreuve

Ce nouvel accroc à la liberté de la presse intervient dans un contexte où le régime en place prétend pourtant incarner une rupture démocratique. Depuis l’instauration de la Cinquième République, le discours officiel se veut porteur de réformes, de moralisation et d’ouverture. Mais dans les faits, les pressions sur les organes de presse indépendants s’intensifient, au point de remettre en cause les progrès salués à l’international.

Le Gabon, classé 41e sur 180 pays au dernier classement mondial de la liberté de la presse par Reporters Sans Frontières, risquerait de voir ses efforts réduits à néant si ces pratiques autoritaires perdurent. Derrière les discours de réforme se cachent encore trop souvent des réflexes hérités d’un régime répressif, où la convocation d’un journaliste pour un simple visuel devient une affaire d’État.

Une question de principe : défendre la presse, c’est défendre la démocratie

La liberté de la presse n’est pas une concession : c’est le socle d’un État de droit véritable. Toute dérive contre elle aussi « administrative » ou « sécuritaire » soit-elle est une atteinte à l’ensemble du corps démocratique. Ce genre d’affaire, qui aurait dû se régler entre professionnels dans le respect de l’éthique journalistique, ne justifie en aucun cas l’intervention des forces de sécurité.

La convocation du directeur de GMT apparaît dès lors moins comme une mesure de justice que comme une tentative de dissuasion, une manière de rappeler aux journalistes qu’au Gabon, le droit s’applique à géométrie variable.

Il est urgent que le gouvernement clarifie sa position : veut-il encourager une presse libre, critique et professionnelle, ou maintenir une chape de plomb sur l’information au nom de l’ordre public et de la sensibilité politique ? Le choix est politique, mais les conséquences seront historiques.

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