Présidentielle 2025 au Gabon : l’épineuse question de l’évaluation des aptitudes linguistiques des candidats

L’installation officielle de la Commission d’aptitude linguistique, ce jeudi, marque un tournant dans le processus électoral gabonais. Désormais, chaque candidat à l’élection présidentielle du 12 avril 2025 devra démontrer sa maîtrise d’une langue nationale pour espérer voir son dossier validé par la Commission nationale d’organisation et de coordination des élections et des référendums (CNOCER). Si cette mesure repose sur des considérations identitaires et culturelles légitimes, elle pose néanmoins de nombreuses interrogations sur sa mise en œuvre concrète et son impact politique.
Un flou méthodologique préoccupant
L’introduction d’un critère linguistique pour l’éligibilité présidentielle, en application de l’article 170 du Code électoral, suscite d’emblée une question essentielle : sur quelles bases objectives cette aptitude sera-t-elle évaluée ? À ce jour, aucune méthodologie claire n’a été rendue publique par les autorités, laissant place à des incertitudes quant aux modalités d’examen.
Quels seront les critères d’évaluation ? Se contentera-t-on d’un simple échange oral avec les membres de la commission ou exigera-t-on une épreuve plus rigoureuse avec un barème détaillé ?
Quel niveau de maîtrise sera jugé suffisant ? Un candidat ayant des notions limitées mais compréhensibles pourra-t-il être validé, ou l’exigence portera-t-elle sur un usage fluide et précis ?
Quelle sera la place de la subjectivité dans l’évaluation ? Sans référentiel précis, le risque de décisions arbitraires est élevé, ouvrant la voie à des contestations potentielles.
Un critère à double tranchant : inclusion ou exclusion politique ?
Officiellement, cette nouvelle exigence vise à valoriser les langues nationales et à renforcer l’ancrage culturel des dirigeants du pays. Dans les faits, elle pourrait bien se transformer en un filtre discriminatoire, favorisant certains candidats au détriment d’autres. En effet, si le principe peut sembler légitime, son application dans un pays où le français domine l’ensemble des sphères institutionnelles et médiatiques soulève des doutes quant à son impartialité.
Les élites urbaines et les personnalités politiques ayant reçu une éducation strictement francophone pourraient être défavorisées, tandis que ceux ayant grandi dans des environnements plus traditionnels seraient avantagés. Pire encore, cette exigence pourrait être instrumentalisée pour éliminer certains candidats gênants sous couvert de non-conformité linguistique.