SOCIETE

Santé mentale au Gabon : l’urgence de bâtir un système de prise en charge inclusif et durable

Dans un monde où les enjeux de santé mentale gagnent enfin la reconnaissance qu’ils méritent, le Gabon demeure confronté à des défis cruciaux dans ce domaine. Avec une population de 2,5 millions d’habitants et des structures largement insuffisantes, les troubles psychologiques restent à la fois sous-estimés et stigmatisés. Pourtant, leur impact sur le tissu social et économique est indéniable. Entre absence de politiques publiques robustes et ancrage des croyances traditionnelles, comment construire une réponse efficace et adaptée aux réalités locales ?

Une réalité marquée par le manque de moyens

La santé mentale au Gabon est l’apanage d’une poignée de professionnels. Libreville concentre la quasi-totalité des psychiatres et psychologues du pays, laissant les zones rurales dans une situation d’abandon. Les hôpitaux publics et centres de santé, déjà saturés par d’autres urgences sanitaires, disposent rarement de personnel formé pour prendre en charge les troubles psychiatriques. Les médicaments nécessaires, souvent coûteux, sont également absents des pharmacies de nombreuses localités.

À ce tableau déjà sombre s’ajoute la méconnaissance générale des troubles mentaux. Les maladies comme la dépression, les psychoses ou les troubles bipolaires sont souvent perçues à travers le prisme des croyances mystiques. Dans de nombreux cas, les familles, démunies, se tournent vers des guérisseurs ou en viennent à des pratiques radicales, comme l’isolement ou même la violence, pour “protéger” leurs proches.

Témoignage : le combat d’un agent communautaire

Dans un village proche de Lambaréné, une femme, Odile, raconte le cas de son fils, Alain, 19 ans. Diagnostiqué tardivement avec une schizophrénie, Alain avait été enchaîné par ses proches dans l’arrière-cour familiale, persuadés qu’il était possédé. “Nous pensions qu’il pouvait faire du mal à quelqu’un ou se blesser. Mais nous ne savions pas quoi faire ni vers qui nous tourner,” confie Odile. La situation a changé grâce à l’intervention d’un agent communautaire formé par une ONG, qui a sensibilisé la famille et organisé un transfert vers un centre de santé à Libreville.

Ces agents, souvent issus des communautés qu’ils desservent, jouent un rôle essentiel dans l’identification des cas, la sensibilisation des familles et l’orientation des malades vers des structures adaptées. Cependant, leur nombre reste limité et leur impact, bien que crucial, est freiné par le manque de ressources et d’infrastructures.

Un engagement timide, mais des initiatives prometteuses

Malgré ce contexte difficile, des initiatives commencent à émerger pour structurer la prise en charge de la santé mentale au Gabon. Certaines ONG, en partenariat avec des institutions locales et internationales, mettent en place des programmes ciblés.

La formation des professionnels de santé : Les médecins généralistes, sages-femmes et infirmiers sont initiés à la détection des troubles mentaux et à leur gestion de base.

La sensibilisation communautaire : Des campagnes éducatives tentent de démystifier les troubles psychiatriques et de briser les tabous. Ces efforts sont portés par des relais communautaires, qui agissent comme des ponts entre les villages et les centres de santé

Le gouvernement gabonais, de son côté, a inscrit timidement la santé mentale dans sa stratégie de développement sanitaire. Cependant, l’absence d’une politique nationale spécifique reste un frein majeur à l’efficacité des initiatives.

Pourquoi agir maintenant ?

La santé mentale n’est pas un luxe, mais une nécessité. Au-delà de la souffrance individuelle, les troubles mentaux ont des répercussions sociales et économiques considérables : perte de productivité, désintégration des familles, et augmentation des risques de violence.

Dans un pays comme le Gabon, où la jeunesse constitue la majorité de la population, ne pas agir équivaut à compromettre l’avenir.Il est temps pour le Gabon de reconnaître que la santé mentale est un droit fondamental.

Il est également temps pour chaque citoyen, chaque institution, de se mobiliser pour bâtir un système qui ne laisse personne de côté. La souffrance mentale est invisible, mais elle est bien réelle. Lui offrir des réponses adaptées, c’est investir dans une société plus saine, plus juste, et plus résiliente.

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